Les opérations archéologiques programmées menées au sein du château des sires de Faucigny à Bonneville s’inscrivent dans le cadre du programme européen ALCOTRA 2014-2020 (projets franco-italiens), au sein duquel un projet de coopération nommé « Parcours des patrimoines, de passages en châteaux (2018- 2022) », relatif à l’étude et la valorisation des relations entre un château et son terroir, a été mis en place. Le château des sires de Faucigny à Bonneville est l’un des deux sites témoins pour la France, avec la maison forte de la Frasse à Sallanches.Ces recherches découlent également de la volonté du Département de la Haute-Savoie de poursuivre la logique d’études castrales initiée en 2010 avec le projet « A.V.E.R – des montagnes de châteaux » et pour lequel les sites témoins étaient les châteaux d’Allinges.Bonneville se situe en fond de la moyenne vallée de l’Arve à environ trente kilomètres au sud-est de Genève. Localisé au cœur de l’ancien territoire du Faucigny, le château domine la vallée depuis un éperon culminant à 460 m d’altitude en rive droite de l’Arve. Le site, modeste au Moyen Âge, n’a eu de cesse de s’agrandir avec la fusion des territoires de Saint-Étienne et d’une partie de celui d’Ayse (1839), de Pontchy (1961) et de la Côte d’Hyot (1964). Son emplacement au croisement de plusieurs axes routiers historiques importants menant à Genève, Cluses, la Roche-sur-Foron, mais aussi en Italie lui a permis de se développer. L’agglomération possède une topographie alliant zones inondables et molard rocheux. Le château, installé sur un petit éperon, domine les plaines avoisinantes et sert ici de point de contrôle sur l’espace environnant dont notamment un passage sur l’Arve.Bonneville aurait porté à ses débuts le nom de Tucinges, localité faucignerande attestée au XIIIe siècle, située en rive gauche de l’Arve, mais relevant de la paroisse genevoise de Saint-Pierre. Le nom de Bonneville découlerait, quant à lui, de l’octroi de franchises municipales concédées en 1283. Dès 1262, Agnès de Faucigny, alors mariée à Pierre de Savoie, déclare que ce dernier a fait construire à ses propres frais le lieudit « Tucinge » dans la vallée de Faucigny. La même année, Tucinges est dotée de chartes de franchises. En 1269, Tucinges sera désigné comme castrum puis comme domum l’année suivante. Pour Jean-Yves Mariotte, il est alors peu probable qu’un château ait existé dès lors, les fortifications évoquées en 1270 ne désignant, selon ce même auteur, que le bourg et un éventuel édifice fortifié.À la fin du XIIIe siècle, Béatrix de Faucigny, fille d’Agnès et de Pierre, donne à son cousin, Amédée comte de Savoie, différents châteaux faucignerands, dont celui de Bonneville en mai 1293, ce qui constitue la première véritable mention du site de Bonneville. Le site restera au cœur du conflit delphino-savoyard même si ce dernier n’atteindra jamais les portes de la ville. La Savoie récupère le château de Bonneville et son bourg en 1355 à la suite du traité de Paris mettant un terme à la guerre. Après la fin de ce conflit, le site perdra en importance stratégique dans la mesure où il se situe au cœur des terres savoyardes. Il restera toutefois un pôle économique et une résidence importante au XVe siècle.Entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, la forteresse est en partie transformée en prisons. Ces dernières demeureront utilisées officiellement jusqu’en 1933. Après sa fermeture en tant qu’espace carcéral, le site tombera peu à peu en ruine si bien qu’il sera fermé au public dans les années quatre-vingt. Le projet de restauration actuel vise une réouverture au public par le biais d’un espace ouvert associé à un musée.Les opérations archéologiques réalisées par le Département s’inscrivent à la suite de premiers travaux engagés depuis 2003 sur le château (dir. S Bocquet puis L. D’Agostino). La troisième année du programme de recherche pluriannuel 2019-2021 visait la réalisation d’un rapport de synthèse reprenant l’ensemble des données issues des opérations archéologiques menées par le Département, l’exploration de l’ensemble des sources manuscrites conservées ainsi que la réalisation d’un état des lieux des résidences élitaires médiévales entourant le site castral de Bonneville.Entre 2018 et 2019, les fouilles sédimentaires réalisées dans les différentes cours du château ont permis de mettre au jour cinq bâtiments distincts ainsi que deux espaces de circulation conservés sous les remblais des périodes Moderne et Contemporaine. Ces ensembles médiévaux méconnus prennent appui sur la courtine et fonctionnent avec cette dernière.La campagne 2020 s’est essentiellement concentrée sur le bâti conservé au sein des prisons. Cette étude, associée à un petit sondage dans une des pièces, a permis de confirmer l’emplacement de la troisième tour ronde médiévale et de replacer les bâtiments carcéraux dans la chronologie du site.L’ensemble de ces études, mises en parallèle avec les découvertes issues de l’archéologie préventive (dir. S. Bocquet 2018 – 2020), a permis de mettre en évidence six phases de construction comprise entre la fin du XIIIe siècle, période d’édification du château, et le XXe siècle où le site est abandonné. L’occupation médiévale voit une faible évolution de l’occupation au sol au profit de réaménagements internes des bâtiments existants tandis que la transformation en prison du site castral, entre les XVIe et XVIIe siècles, implique de grands bouleversements dans l’organisation du site avec de nombreux terrassements et la création de bâtiments ex nihilo.La consultation et l’exploitation des sources comptables médiévales et modernes, non explorées jusqu’à présent, a permis la mise en perspectives des différents aménagements disparus, mais aussi de comprendre la construction et l’entretien du site et d’interroger les problématiques liées aux matériaux de construction. Grâce au nombre d’interventions réalisées, le château de Bonneville est ainsi l’un des sites castraux les mieux documentés du département haut savoyard. Enfin, les questionnements liés au contrôle du territoire ont permis la mise en place d’un appendice dédié au réseau de constructions élitaires secondaire entourant le château de Bonneville. Outre la documentation de huit sites fortifiés relativement discrets, leur étude a permis de saisir les modalités du contrôle du territoire durant le Moyen Âge, mais aussi d’observer les différentes typologies de résidences élitaires. Ce travail d’inventaire et de documentation viendra compléter la carte archéologique locale.Les résultats obtenus par ces opérations archéologiques mettent en exergue un bâtiment au phasage plus complexe qu’envisagé initialement avec de nombreux changements dans l’organisation interne. Si l’occupation longue s’accompagne de purge régulière des niveaux anciens, le potentiel archéologique et patrimonial du château des sires de Faucigny est bien réel. En l’état, de nombreuses questions restent sans réponse. Toutefois, les investigations se poursuivent dans le cadre de l’archéologie préventive en lien avec la restauration du site. Elles permettront ainsi d’éclaircir les dernières zones d’ombre en prévision de la publication monographique.