« Exister, pour l’être humain, c’est toujours vivre avec, toujours cohabiter, aussi peu que ce soit. Cette constatation doit former la base de toute réflexion sur l’habiter » (Besse, 2015, p. 388). En effet c'est la cohabitation qui permet la rencontre : elle met en relation dans un même espace des habitants qui peuvent y déployer des pratiques, des perceptions et des socialités différentes. Le terme cohabitation est ainsi théorisé grâce au concept d’habiter qui porte une forte valence heuristique en géographie. Dans un espace de cohabitation, le lieu de la rencontre entre des personnes « n’est pas seulement le cadre topographique de la rencontre » : il désigne la modalité et « l’enjeu de l’échange » (Lazzaroti, 2006). Il en résulte que la notion de vivre-ensemble n’est pas à proprement parler un concept géographique, même s'il est possible d'associer le vivre à un lieu. Très présent dans les discours politiques et dans les débats médiatisés, le terme permet d'affirmer la coexistence des langues et cultures différentes (Charpentier, 2022) tout en prônant la concorde, sans pour autant en définir ni les modalités ni les dynamiques. C’est à travers le concept de cohabitation que l’habiter et le vivre-ensemble prennent tout leur sens : nous choisissons de faire porter l’analyse sur ces lieux qui intéressent tout espace public investi par les pratiques spatiales des habitants et présentant trois dimensions. Premièrement, ces espaces se caractérisent par leur accessibilité et résument la diversité des populations (Levy, 2003, p.336). En effet, l’espace public (ex: un parc urbain) amène à rencontrer des personnes diverses qui y déploient des pratiques différentes. Deuxièmement, « l’espace public ne se décrète pas : il se construit dans le temps grâce à ce que les individus en font ; l’espace public est donc d’abord déterminé par ce qui s’y passe avant d’être défini par sa morphologie » (Watin, 2007). Et troisièmement, les notions de proxémie et de distance sociale entre habitants sont questionnées : comment cohabiter avec autrui, ni trop près ni trop loin, dans un parc public ? Si le parc public urbain est un lieu central dans lequel le quartier prend vie, c'est un lieu propice à l’observation des pratiques et des représentations sociales (Stock, 2004). Une classe d’élèves de 6ième (N=24, âge=11 ans, collège Rep+) en géographie confronte les expériences individuelles et collectives de cet espace aux pratiques d’autrui (Grondin et al, 2023). Leurs rapports d’expérience sous forme de récits spatiaux portent des marqueurs langagiers (verbes d’action, acteurs, aménagements typiques) qui autorisent une typification des modes du cohabiter. Les résultats montrent qu’il existe plusieurs modes de cohabitation selon les points de contact avec autrui autorisés par la morpho-temporalité, l’accessibilité et la proxémie.