Guadeloupe, Saint-François, Plage des Raisins Clairs
Résumé
Menacé de destruction par l’érosion naturelle et la
fréquentation touristique, le cimetière situé sous la
Plage des Raisins Clairs, sur la commune de Saint-
François, à la sortie ouest de la ville, a fait l’objet de
deux prescriptions de sauvetage urgent de la part du
Service de l’Archéologie de la Dac de Guadeloupe.
La première opération a concerné une surface de
1800 m2 en arrière de la coupe entaillée par la mer.
Menée par la société Hadès du 7 au 18 janvier 2013,
elle avait pour objectif d’évaluer l’extension et la
densité de l’occupation funéraire et de fouiller les
sépultures les plus exposées. 48 sépultures ont été
mises au jour à cette occasion, dont 6 ont été fouillées
et prélevées intégralement. Ces résultats ont permis
d’évaluer le nombre de sépulture sur le secteur exploré
à environ 500, conduisant à une estimation de l’ordre
du millier pour la totalité du cimetière.
La deuxième opération, menée par l’Inrap, s’est
déroulée du 13 janvier au 12 février 2014. Son
principal objectif était de fouiller et de prélever les
sépultures présentes sur une bande d’environ 3 m de
large, immédiatement en arrière du talus entaillé par
la mer et sur toute la longueur de celui-ci (environ
60 m), afi n d’éviter leur destruction par les vagues.
Cette opération était également l’occasion de tenter
de préciser la nature de ce cimetière en essayant
notamment de confi rmer l’existence de sépultures
d’esclaves sur le site.
En effet, depuis la découverte fortuite sur la plage,
en 1992, d’un crâne associé à un gros anneau de fer
encerclant le rachis cervical et interprété comme un
collier de servitude (fi g. 01), la présence de tombes
d’esclaves était fortement suspectée sans pour autant
avoir pu être démontrée faute d’exploration plus
poussée du site.
Le nombre de sépulture estimé initialement sur
l’emprise de l’opération par le Service de l’Archéologie
était d’environ 60. Très rapidement après le début du
décapage, il est apparu que la densité des tombes était
beaucoup plus importante que prévue. En accord avec
le service, il a été convenu de réduire la largeur de zone
de fouille et de se concentrer en priorité sur la zone
du talus. Au terme de l’opération, seuls 66 m2 ont pu
être explorés. Sur cette surface, 94 sépultures ont été
mises au jour et 89 ont été fouillées et démontées dans
leur intégralité. De plus, 40 réductions et 27 amas
d’os en positions secondaires issus des comblements
de plusieurs sépultures ont également été dégagés et
prélevés pour être intégrés à l’étude (fi g. 02).
La phase de terrain a montré que les pratiques
funéraires mises en œuvre dans ce cimetière étaient
très standardisées et respectaient le rite chrétien. Les
sépultures sont individuelles. Elles sont en grande
majorité orientées selon un axe est-ouest avec des
variations de la position de la tête qui peut se trouver
indifféremment à l’extrémité est ou à l’extrémité ouest
de la tombe. Les sujets reposent tous sur le dos, les
membres inférieurs en extension. Les positions des
membres supérieurs sont variables. Les corps sont
quasiment tous déposés dans des cercueils dont la
forme peut être trapézoïdale ou hexagonale (fi g. 3).
Cette variation semble corrélée avec la chronologie
de l’occupation du site. Les cercueils trapézoïdaux
apparaissent comme les plus anciens et sont
systématiquement en dessous des cercueils hexagonaux
dans la stratigraphie. Des indices de la présence
de linceuls ont également été mis en évidence dans
certaines tombes.
Seules les sépultures à cercueil hexagonal ont livré du
mobilier, en très faible quantité toutefois. Ces vestiges
n’étaient pas directement associés aux défunts mais
se trouvaient dans les comblements des cercueils ou
des fosses. Une datation assez fi ne de la céramique et
du verre a tout de même pu être établie et attribue ces
objets à la toute fi n du XVIIIe et à la première moitié
du XIXe siècle. Il apparaît donc que les cercueils
trapézoïdaux, qui sont les plus nombreux sur le site,
sont antérieurs à cette période, ce qui permet de
supposer une longue occupation du cimetière.