Les systèmes de production alimentaire locaux ont été appréhendés, entre autres, à travers l'étude des modalités de coordination entre acteurs pour la différenciation et la valorisation de produits de terroir. Ces travaux ont mobilisé les cadres théoriques de la sociologie économique pour penser les compromis (Boltanski et Thévenot 1991), les conventions (Sylvander 1995) ou les proximités (Courlet 2002) permettant d'organiser les interactions entre différents acteurs et différents corps de métier le long d'une chaîne de production. Cependant, si ces approches font la part belle à l'organisation collective des acteurs, elles convoquent finalement assez succinctement, alors qu'elles s'y adossent, la matérialité des choses, et passent sous silence les dynamiques du vivant (Hermesse, Hecquet, Stassart, 2018). Dans cette conception, les graines, les scions, les tubercules ou les animaux reproducteurs sont traités comme des intrants ou des stocks de ressources génétiques : ils demeurent des objets considérés comme inertes dans les itinéraires techniques et positionnés à l'amont des filières (Bonneuil et Fenzi, 2011).