La crise sanitaire est venue bousculer la forme scolaire et ouvrir une période d’espoirs et d’incertitudes pour l’École. Dès le début du confinement, les porosités des frontières entre vie privée et vie professionnelle ont modifié le rapport au temps et à l’espace. Les enseignants d’histoire-géographie ont dû apprendre à travailler autrement en adaptant le cadre spatio-temporel aux nouvelles conditions d’enseignement en présence et/ou à distance. Comment ont-ils essayé de faire face aux changements ? Quelles stratégies d’adaptation ont-ils mis en œuvre pour maintenir des liens à distance ? La mobilisation d’outils et de ressources numériques a-t-elle permis d’assurer un suivi des apprenants ? Quelles conséquences sur les pratiques pédagogiques après le déconfinement ? Pour répondre à ces questions, nous proposons de nous appuyer d’abord sur un questionnaire d’enquête conduit à l’échelle nationale (Genevois, Lefer Sauvage, Wallian, 2020). Le questionnaire s’adressait à des enseignants du 1er et du 2nd degré issus de France métropolitaine et d’outre-mer (4285 réponses dont 255 concernant des enseignants d’histoire-géographie de collège-lycée). L’objectif était d’appréhender le vécu des enseignants en période de confinement et la manière dont ils ont essayé d’adapter, bricoler, inventer de nouvelles pratiques. Les résultats de cette enquête permettent de saisir les sources de tensions sur un plan tout à la fois personnel et professionnel. Ces données d’enquête ont été complétées en 2021 par des entretiens semi-directifs et des observations permettant de mieux appréhender les formes d’hybridation. Celles-ci concernent non seulement les modes de communication et de réorganisation pédagogique dans et hors la classe, mais aussi les formes de présence à distance et de planification-scénarisation des activités pédagogiques (Jézégou, 2010 ; Perraya, Charlier, Deschryver, 2014). Ces données permettent de mettre en évidence des changements progressifs dans les gestes professionnels, entre postures de contrôle et postures de lâcher-prise favorisant davantage l’autonomie des apprenants (Bucheton, 2009). A partir de ces analyses, nous dégageons quelques enjeux majeurs concernant les changements en cours ou à venir : reconfigurations de la forme scolaire, apprentissages en mode hybride, gestion de l’incertitude (Hamon & Genevois, 2017), nouvelles compétences transversales pour l’enseignant du XXIe siècle (Villiot-Leclerc, 2020).