Fêter le centenaire de la naissance de Paulo Freire (1921 – 1997), une des grandes figures engagées parmi les pédagogues du XXème, reste un bon moyen pour actualiser une mémoire historique dans notre monde de l’éducation et formation en France. Force est de constater combien les idées pédagogiques promues et mises en pratique au cours des siècles XIX et XX par des éducateurs, mises en lumière par leurs écrits et ayant entraîné des groupes d’éducateurs dans leur sillage ou demeurés dans l’ombre tout en œuvrant au sein de mouvements pédagogiques, restent étrangères aux référentiels de formation des enseignants au XXIème. Tout semble se passer comme si toute recommandation pédagogique actuelle se fondait sur une idée nouvelle originale alors que nous pouvons rapidement la retrouver dans une filiation de propositions pédagogiques exprimées et mises en œuvre au moins depuis plus de 200 années passées. 1921 est l’année de naissance de Paulo Freire tout comme elle est aussi celle de la naissance de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle ! Célestin Freinet entamait sa seconde année en tant qu’instituteur adjoint à l’école de Bar sur Loup… Nous avons abordé les idées pédagogiques de Paulo Freire en 1977 à partir de notre engagement dans le Mouvement de la Pédagogie Freinet. En 2004, à la demande de l’Association des Amis de Freinet, nous avons réalisé la traduction en langue française de l’ouvrage ultime de Paulo Freire, Pedagogia da autonomia paru en 1ère édition en 1996, qui nous a conduit à approfondir sa pensée pédagogique et éducative. En prolongement du travail pour la réalisation de Pédagogie de l’autonomie paru en 1ère édition en 2006, l’objectif de cette contribution est de tenter de (re)donner à voir la pensée pédagogique et éducative de Paulo Freire dans le contexte français d’aujourd’hui à partir de sa contextualisation dans l’histoire du Brésil. Notre démarche a consisté à tenter de situer, à partir d’éléments biographiques, la naissance de la pensée pédagogique de Paulo Freire et son évolution dans le contexte historique et idéologique du Brésil depuis l’arrivée de la cour royale portugaise en 1808 jusqu’à nos jours où le pays est de nouveau, depuis 2018, traversé par une vague néolibérale régressive extrême-droitière et au relent fascisant. Notre analyse s’est organisée autour de la place de l’éducation dans les dix Constitutions successives de 1824 à 1988 que nous avons considérées comme un indicateur du niveau d’intérêt pour l’éducation des élites et du peuple par les oligarchies brésiliennes ou les élites intellectuelles plus ou moins progressistes. La seule période où le Brésil fut dirigé par des gouvernements d’orientation sociale de gauche, fut celle de 2003 à 2016 sous la Présidence de Luiz Inácio Lula da Silva puis celle de Dilma Vana Rousseff, 1ère femme à assumer cette fonction depuis 1889 ! mais habilement destituée par le Sénat au motif de corruption dont les faits n’ont jamais été avérés ! Cet évènement pourrait être interprété comme un Golpe préparant l’accès à la Présidence par l’extrême-droitier Jair Bolsonaro accompagné d’une équipe dirigeante puisant ses forces et ses ressources dans les courants évangélistes. C’est dans ce contexte idéologique que ce gouvernement extrême-droitier a cherché à dénoncer le symbole Paulo Freire institué Patron de l’éducation du Brésil (JO 13/04/2012) pour l’en destituer.