Penser la diversité humaine en termes de cultures, en termes de partage et d'échange, pourrait être une façon d'éluder la hiérarchie implicite dans l'histoire des processus de civilisation. La médecine occidentale propose en effet souvent une lecture d'un progrès scientifique par étapes visant un but commun qui serait le « guérir universel », qui se confondrait avec une histoire de la raison. C'est la perspective choisie par Jean-Paul Lévy, le premier directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida, plus connue sous le nom d'ANRS, dans son ouvrage intitulé Le Pouvoir de guérir 1. Mais peut-on vraiment parler d'un processus linéaire et univoque ? La médecine ancienne elle-même offre le spectacle d'infinies variations sur le thème de la prévention et du soin des maladies ; rappelons que le Canon d'Avicenne, au x e siècle, met sur le même plan la restauration de la santé (médecine que nous appelons aujourd'hui « curative ») et sa préservation (objet de la médecine préventive). La vaccination volant à notre secours contre le coronavirus fait l'objet, à la date de notre colloque, en octobre 2020, d'une espérance quasi messianique, partagée par toutes les nations ou presque. Son histoire ressemble cependant moins à la marche triomphale de la Raison qu'à un kaléidoscope de