« Faire passer » : la Russie visible et invisible de Philippe Jaccottet ("Après beaucoup d’années")
Résumé
Sur les marges du Hameau L'intérêt de Philippe Jaccottet pour la Russie est ancien et profond. Les premières images, nées dans l'enfance à la lecture de Michel Strogoff, se précisent très tôt avec le Livre d'Heures de Rilke issu de ses deux voyages russes 1. A partir des années 50, Jaccottet consacre une série d'articles à Alexis Remizov 2 , Boris Pasternak 3 , Marc Chagall 4 , publiés dans la Nouvelle Revue de Lausanne, où il tient la chronique littéraire, et dans la Nouvelle Revue Française. C'est dans la NRL qu'il réagit au procès de Joseph Brodsky 5 , dénonce le « grand théâtre communiste » à propos de celui d'Ilia Ehrenbourg 6 , ou évoque la difficile parution du Docteur Jivago de Pasternak 7 dont il traduira plus tard les textes allemands de la correspondance avec Tsvetaieva et Rilke 8. Mais ce n'est qu'au début des années 70 qu'il fait connaissance avec la poésie de Mandelstam, dans la traduction poétique de Jean-Claude Schneider 9. Il en est tant frappé qu'il veut apprendre la langue du poète russe pour s'en approcher au plus près et, plus tard, la transmettre dans ses propres traductions. A l'invitation de son ami Pierre Morel, ambassadeur de France en Russie 10 , il visite Moscou et Saint-Pétersbourg. Outre la découverte de la Russie profonde, de la beauté de ses églises et de l'opéra russe (notamment Boris Godounov et le Coq d'or), ce voyage est l'occasion de croiser Soljenitsyne et rencontrer la poétesse Olga Sedakova, rencontre dont la Semaison porte la trace. C'est pourtant un poème qui n'a pas de lien direct avec la Russie, un poème avec des paysages de montagne très éloignés de ses immensités plates qui servira de fil conducteur à notre
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