Joclyne Saab est une cinéaste féconde qui nous a laissé 52 films : courts métrages, reportages, documentaires, fictions entre 1974 et 2018. Une cinéaste de la trace (et du presque rien) dans le sens que lui donne la microstoria (Ginzburg). (Réf bibliographie) Son usage du paradigme de l'indice rapporté aux images est illustré par son travail sur les ruines et l'espace annulé, nullifié à Beyrouth rayé de la carte mais qu'elle s'entête à rendre vivante. Elle nous invite à une réduction d'échelle : à voir la ville dans le trou de la haine, dont elle filme la blessure béante et les cicatrices comme autant de traces et d'indices de la barbarie de la guerre civile au Liban. En ce sens, les images se font archives vivantes. Le female gaze, ici, est celle d'une femme qui regarde la ville comme un corps blessé, un corps de femme et d'enfant. Tant ce sont eux qui se démarquent partout dans sa production filmique. Les études féministes du cinéma ont insisté sur le male gaze en rapport au filmage du corps des femmes mais chez Jocelyne Saab les prises de vues urbaines et l'insistance sur l'espace urbain peut apparaître comme une métaphore.