Des sciences naturalistes à la culture scientifique : luttes de territoires et (re)classements au muséum - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2023

From natural sciences to science literacy: boundaries struggles and (re)categorization at the museum

Des sciences naturalistes à la culture scientifique : luttes de territoires et (re)classements au muséum

Anna Mesclon

Résumé

This thesis asks to science and nature questions that sociology traditionally asks to arts and culture. Based upon the study of a Natural History Museum, it shows how the work in the scientific culture is caught between science and art, culture and education, indeterminacy and codification. The Museum in question, an age-old institution, has a dual nature: it was for a long time a place of science, and now it is scientifically downgraded. It was for a long time « out of the culture », and now it is a cultural institution. Based upon a field survey and the study of archives, the thesis offers a combined study of the institutional, symbolic and practical issues regarding the effort of science’s “mise en culture” that the museum is making. The institution is living through two major tensions. First, should it produce naturalist knowledge and promote an applied definition of sciences, or should it rather be a place of academic science’s “mise en culture” based on the researchers’ authority ? Then, must the Museum be a place of pedagogical transmission, or a place in which an original reflection on that topic is built ? The stances on these matters are partially related to the place that one occupies in the Museum. Nonetheless, they cannot be reduced to professional identities. In order to understand the divisions that the Museum is experiencing, its background, its history, but also those of its members, must be studied.
En retraçant ce que Pierre Bourdieu (1997) appelle la « double histoire » d’un muséum d’histoire naturelle, cette thèse étudie les transformations, dynamiques professionnelles et luttes symboliques qui président à la mise en circulation d’une offre de « culture scientifique » dans une institution culturelle séculaire et reclassée. Elle repose sur une enquête de terrain conduite entre 2016 et 2021 par entretiens (N=75), observations formelles (N=50) et informelles, ainsi que sur l’étude de différents corpus archivistiques ou documentaires. La première partie de la thèse reconstitue la genèse des tensions observées au présent en étudiant les transformations du musée depuis le milieu du 20ème siècle. L’analyse se porte ensuite sur les trajectoires et rapports à l’institution des travailleurs qui y œuvrent aujourd'hui, et termine par l’étude de la construction de l’offre culturelle du muséum. Appartenant à une famille institutionnelle (les musées d’histoire naturelle) requalifiée au tournant du 21ème siècle et jusque-là peu investiguée par les sociologues, le musée étudié est double : longtemps considéré comme une institution scientifique et un lieu de production de connaissances naturalistes, il est aujourd’hui scientifiquement déplacé. Longtemps exclu des circuits institutionnels de la culture, il est aujourd’hui considéré comme une institution culturelle. Simultanément s’est opéré un processus de repositionnement de l’établissement au sein de l’écosystème politique local, à travers le vocable « culture scientifique ». Inscrites dans ces transformations, deux grandes lignes de clivage traversent aujourd’hui l’institution. La première concerne la façon de définir le rôle scientifique du musée, entre les tenants d’approches qu’on appelle respectivement “culture scientifique” et “éducation à l’environnement”, l’une s’opérant dans le renforcement des hiérarchies scolaires et académiques en matière de science, la seconde se voulant plus sociale et se définissant comme alternative à la science de l’école. La deuxième porte sur la manière de mettre les sciences en culture : pour certains le musée doit être un lieu pédagogique dédié aux sciences naturelles ; pour d’autres il doit devenir, par son offre culturelle, un lieu de création d’une réflexion scientifique originale, décloisonnée des sciences naturalistes. Rejoignant partiellement la position occupée dans le musée ou la trajectoire scolaire, les points de vue des travailleurs sur ces sujets sont liés aux ressorts de leur engagement dans le travail et recouvrent des enjeux irréductibles à leur catégorie professionnelle de rattachement (« conservateurs », « commissaires d’expositions », « médiateurs », etc.). Cette institution est en effet investie d’une pluralité de manières, allant de celles vécues comme des « vocations culturelles » à celles qui s’apparentent à des « consolations scientifiques » en passant par les reconversions de la science à la culture. En examinant différentes situations de partage des tâches entre membres permanents du muséum et partenaires professionnels ponctuels, cette thèse analyse aussi les arrangements de travail et les luttes de territoire qu’occasionne la fabrication et la mise en circulation d’une offre de culture scientifique : entre intermédiaires culturels (personnels du muséum) et producteurs de science (chercheurs), mais aussi entre différentes catégories d’intermédiaires culturels (personnels du muséum et intermédiaires extérieurs). Outre les enjeux de captation de territoires professionnels qu’ils révèlent, ces partenariats et les tensions qui les traversent offrent une loupe permettant de saisir des luttes de définition sur la culture et le rôle professionnel d’intermédiaire culturel. La mise en lien entre leur trajectoire antérieure, leur situation d’emploi, leurs conditions de travail et leur rapport à ce dernier révèle la manière dont le caractère contrasté des dispositions des travailleurs alimente ces tensions. D’un bout à l’autre se croisent et s’achoppent des travailleurs aux carrières « certifiées », détenteurs de concours et ayant un fort sentiment d’appartenance à l’institution pour laquelle ils travaillent (le muséum, la fonction publique) ; et des travailleurs de la culture indépendants, pluriactifs, aux carrières composites et aux profils plus entrepreneuriaux. Dans les situations observées, les premiers valorisent la responsabilité, la prudence et la certification ; les seconds la créativité, la singularité et le mélange des genres. Ces valeurs se manifestent autant dans leur rapport au travail et à leur rôle professionnel que dans leur façon de définir une bonne offre de « culture scientifique ». Contribution à une sociologie du changement institutionnel, cette étude de cas déploie aussi, par sa focale resserrée et la pluralité des dimensions qu’elle permet d’articuler (histoire matérialisée de l’institution, histoire incorporée des individus qui l’habitent, modalités concrètes de la division des tâches au sein du système de travail, effets de la rencontre entre ces éléments sur la fabrique de l’offre culturelle de l’institution), une analyse structurale du travail au musée et dans la culture scientifique.
Fichier non déposé

Dates et versions

tel-04541370 , version 1 (10-04-2024)

Identifiants

  • HAL Id : tel-04541370 , version 1

Citer

Anna Mesclon. Des sciences naturalistes à la culture scientifique : luttes de territoires et (re)classements au muséum. Sciences de l'Homme et Société. Nantes Université, 2023. Français. ⟨NNT : 2023NANU3003⟩. ⟨tel-04541370⟩
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