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Hdr Année : 2022

Interactions entre agriculture, biodiversité et société : constructions sociales et négociations territoriales

Résumé

L’agriculture est responsable d’un déclin accéléré de la biodiversité dans le monde, et le nombre de suicides chez les agriculteurs suit une tendance tristement inverse. Les territoires ruraux sont aux prises avec des conflits d’usage nombreux, parfois violents, avec un clivage de plus en plus marqué entre agriculteurs et défenseurs de l’environnement. Face à ces constats, nombreux sont les scientifiques et les politiques à clamer la nécessité d’une transition agro-écologique. Bien que tous n’en donnent pas la même définition, la plupart s’accordent sur la crise du modèle actuel et la nécessité de réinventer les rapports entre agriculture, environnement et société. L’enjeu est de taille, c’est non seulement celui du vivre-ensemble et de la cohabitation entre êtres humains à l’échelle des territoires, mais aussi, fondamentalement, celui de la conciliation entre vie humaine et non humaine à l’échelle planétaire. Dans ce mémoire d’HDR, je défends l’idée qu’une telle conciliation est non seulement une affaire d’invention créative, mais aussi une affaire de choix sociaux. Elle nécessite donc des processus d’apprentissage collectif et de concertation, entre les multiples acteurs qui interagissent à l’échelle des territoires, en reconnaissant la pluralité de leurs représentations, valeurs et connaissances, et en tenant compte des relations de pouvoir et conflits d’intérêts qui s’exercent entre eux et verrouillent parfois les mécanismes de négociation créative. Après un premier chapitre retraçant mon parcours afin de permettre au lecteur de savoir « d’où je parle », un second chapitre présente l’assemblage conceptuel et méthodologique qui fonde mon travail, naviguant entre une approche transdisciplinaire indisciplinée et un ancrage au sein d’une géographie sociale critique et engagée de l’environnement. Sur un plan méthodologique, mon travail repose sur deux approches : une analyse distanciée des discours et jeux d’acteurs à travers des entretiens semi-directifs, et une recherche-action participative, en mobilisant notamment le jeu de rôles et la modélisation d’accompagnement pour favoriser un dialogue multi-acteurs. Le troisième chapitre présente une synthèse de mes travaux, qui visent dans l’ensemble à décrypter la façon dont l’interface entre l’agriculture, la société et l’environnement se construit et se négocie localement, à l’échelle des territoires, au travers d’interactions (conflits, collaborations) entre des acteurs (chercheurs compris) aux représentations, valeurs et intérêts divers (et parfois divergents), dans le cadre de relations de pouvoir souvent asymétriques. Ces travaux s’articulent autour de trois volets, correspondant à trois temps de la recherche : interroger, comprendre, accompagner. Le premier, interroger, est celui de la réflexivité. Je propose d’une part une réflexivité sur les postures de recherche transdisciplinaires (en particulier la gestion des asymétries de pouvoir dans les démarches participatives), et d’autre part une réflexivité sur les concepts scientifiques mobilisés pour penser les rapports entre agriculture, société et environnement (notamment le concept de service écosystémique). Le second temps, comprendre, est celui de l’analyse des constructions sociales, discours et représentations sur l’agriculture et la biodiversité, les rapports de force sous-jacents, la façon dont les représentations s’affrontent, se rapprochent ou s’allient, et l’impact de ces représentations sur les pratiques et les dispositifs. Je développe en particulier les résultats de mes travaux liés au déclin de l’élevage et au boisement spontané en montagne, en m’appuyant sur des recherches conduites dans des aires protégées en France (Pyrénées et Cévennes), en Espagne (Catalogne) et en Ecosse. Enfin, le dernier volet, accompagner, est celui de la recherche-action, visant à explorer avec les acteurs des territoires des formes innovantes de gestion concertée des ressources naturelles. Je reviens ici sur deux expériences menées dans deux contextes différents : une incursion hors montagne, dans les plaines arboricoles du Sud-Ouest de la France, sur la co-construction d’un modèle bayésien qui a permis de de caractériser les freins et leviers d’une gestion concertée du paysage pour lutter contre les ravageurs de culture ; et un retour dans les montagnes, dans les Cévennes, avec un jeu de rôles basé sur le concept de service écosystémique pour mettre en évidence des interdépendances sociales et tendre vers une gestion concertée des paysages combinant enjeux agricoles, préservation du patrimoine culturel et conservation de la biodiversité. Le quatrième chapitre, enfin, déroule mes perspectives de recherche, les tournants envisagés et les approfondissements visés, tant thématiques que conceptuels. En définissant l’agroécologie comme une agriculture qui préserve et utilise au mieux la biodiversité, mais également comme une agriculture multifonctionnelle en phase avec les attentes et usages multiples des territoires ruraux, mon projet s’intéresse à la place, aux formes et aux enjeux de l’action collective à l’échelle des territoires dans les transitions agroécologiques. Si l’élevage de montagne reste un objet de recherche de prédilection, je le questionne à travers ses interactions avec de nouveaux enjeux, notamment le changement climatique, l’apiculture et la préservation des abeilles sauvages. Sur le plan méthodologique et conceptuel, ce projet approfondit cinq dimensions : la spatialité des dynamiques agroécologiques dans l’approche paysagère de la transition agroécologique ; l’émergence et la construction sociale de biens communs ; le concernement, le rôle des valeurs comme motivation des agriculteurs à s’engager dans une transition agroécologique ; les enjeux de justice environnementale associés aux discours et politiques de lutte contre le changement climatique ; et enfin la fragilisation des approches transdisciplinaires dans un contexte de prise de conscience des mécanismes de la fabrique du doute.
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  • HAL Id : tel-04102177 , version 1

Citer

Cécile Barnaud. Interactions entre agriculture, biodiversité et société : constructions sociales et négociations territoriales. Sciences de l'Homme et Société. Institut National Polytechnique de Toulouse, 2022. ⟨tel-04102177⟩
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