Communication Dans Un Congrès Année : 2024

Le « château fort » dans la ville, d’hier à aujourd’hui : disparition, changement d’usage ou reconstruction symbolique. L’exemple du patrimoine castral médiéval en Bretagne

Résumé

Le « château fort » est un monument emblématique à plusieurs titres : monument emblème du Moyen Âge dont la présence aujourd’hui renvoie à l’imaginaire médiéval (Fraysse, 2017) et à des temps guerriers, monument symbole de la permanence de la ville jusqu’à aujourd’hui et, enfin, concrétisation dans la pierre de la conscience patrimoniale de la cité. Cet édifice a autrefois associé trois fonctions essentielles : la défense, la résidence et le paraître, dans une mise en scène du pouvoir (colloque Chauvigny 2014, Mesqui 1991 et 1993). Au Moyen Âge, le château urbain est une référence architecturale, un symbole de l'identité de la cité. Pour parvenir jusqu’à nous au fil des siècles, ce château a été déconstruit ou remodelé pour s'adapter à la guerre et à la paix, ou bien, oublié, il s’est ruiné inexorablement. Néanmoins tous les châteaux n’ont pas disparu. Réaffectés à de nouveaux usages, leur « valeur d’usage » a changé (Riegl 1903), mais le symbole est demeuré (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2005), s’enrichissant avec le temps. Leur préservation n’a cependant été ni linéaire ni uniforme et même la naissance des monuments historiques au XIXème siècle n’a pas toujours permis la conservation de ces monuments. Le château médiéval urbain qui a survécu est surtout devenu une référence patrimoniale, passée par les différents “états du patrimoine” jusqu’à devenir aujourd’hui un « objet touristique » (Babelon et Chastel 1994). Cette patrimonialisation, « construction socio-sémiotique faite d’une réalité physique venue du passé et de savoir produit au présent » (Davallon 2016) s’appuie sur un monument actuel symbole à la fois du pouvoir dans le passé, de ce passé, de l’histoire médiévale de la cité, et de l’histoire de la protection du monument. Comment et pourquoi les châteaux médiévaux urbains parviennent-ils jusqu’à nous ? Comment et pourquoi sont-ils valorisés aujourd’hui, auprès de quels publics et par quelles médiations ? Nous proposons une étude mêlant deux approches : historique et communicationnelle. Dans un premier temps, nous nous appuyons sur une perspective historique longue afin de caractériser la progressive construction patrimoniale des châteaux médiévaux. Nombre de ces châteaux traversent en effet les siècles, le monument s’inscrit ainsi dans une histoire du territoire. L’inscription durable du monument dans le quotidien spatial et culturel du groupe a pour effet de « contribuer à maintenir et préserver l’identité d’une communauté » (Choay, 1996). Dans un deuxième temps, nous proposons d’adopter une perspective communicationnelle afin d’analyser ces mises en scène des châteaux forts, d’hier à aujourd’hui. Certains de ces édifices patrimoniaux font l’objet d’une valorisation et accueillent aujourd’hui des dizaines de milliers de touristes. Objet et sujet de médiation, munis de parcours de visite, avec parfois des dispositifs multimédias innovants et une programmation culturelle, ils abritent souvent un musée, parfois une administration, ou encore une résidence privée ouverte à la visite. Ces mises en scène du monument symbolique participent de stratégies communicationnelles doubles : d’une part idéologique et liée au pouvoir, et d’autre part communicationnelle et liée à la structure culturelle (Flon, 2012). Les châteaux médiévaux sont au nombre d’environ 250 dans l’ancien duché de Bretagne, qui constitue notre principal terrain d’étude (Kernévez P.). Certains ont irrémédiablement disparu, d’autres subsistent sous la forme de ruines ou d’édifices très altérés. Notre corpus compte environ 80 châteaux « urbains » qui ont joué un rôle majeur de marqueur dans la distribution des pouvoirs et du peuplement du territoire. Dix-huit présentent encore aujourd’hui des éléments remarquables et, après avoir été classés ou inscrits monuments historiques, accueillent aujourd’hui du public et justifient l’intérêt des touristes et l’investissement financier, conséquent, dont ils font l’objet. Le château redevient l’emblème de la cité en abritant sa propre histoire et sa mise en scène. Parmi les résultats de notre étude, aucune précocité ou chronologie particulière de protection de ce monument, pourtant emblématique, n’apparait – des destructions peuvent avoir lieu encore au XXème siècle. Il ne semble pas y avoir non plus de particularité de la région Bretagne (partout en France nous trouvons les mêmes réutilisations puis les mêmes valorisations de ces monuments). Enfin les modes de valorisation demeurent très classiques, en lien avec les évolutions de la muséologie, dans des espaces attendus, publics ou privés, et sont sujets de questionnements. Cette chronologie du devenir des châteaux bretons illustre le fondement même de la patrimonialisation : le statut patrimonial provient bien de l’investissement par des personnes, habitants et visiteurs. Le regard des visiteurs peut d’ailleurs modifier l’attitude des habitants. Ainsi, « la construction sociale de la patrimonialité est profondément liée à la façon qu’ont les hommes d’expérimenter et de reconfigurer l’histoire, et donc in fine, à leur mémoire » (Fraysse, Deramond et de Bideran, 2016). Ce sont « les distances et les frottements entre histoire officielle et érudite d’une part, et histoires réappropriées, remémorées et commémorées de l’autre » (idem) que nous souhaitons interroger.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04874414 , version 1 (08-01-2025)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04874414 , version 1

Citer

Manuelle Aquilina, Patrick Kernevez. Le « château fort » dans la ville, d’hier à aujourd’hui : disparition, changement d’usage ou reconstruction symbolique. L’exemple du patrimoine castral médiéval en Bretagne. Faire vivre les monuments : mises en scène, espaces et publics, UCO; UCOBS; DEXCUPAT, Jun 2024, Vannes (Bretagne), France. ⟨hal-04874414⟩
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