La dynamique spatio-temporelle des habitats dans les plaines alluviales a été fortement altérée par les activités humaines (Dudgeon et al., 2006). Pour ralentir ces altérations les pratiques de gestion ont jusqu’à présent agi principalement sur les conditions abiotiques. Néanmoins, des études récentes montrent que ce type de restauration ne permet qu'un retour partiel des assemblages d'espèces attendu, en particulier dans les milieux les plus déconnectés du chenal principal (Castella et al., 2015). La littérature a fortement mis en évidence les besoins de recherche pour comprendre le rôle des processus écosystémiques (par ex., la production et dégradation de la matière organique) sur la biodiversité (Palmer & Ruhi, 2019). Ainsi, une meilleure compréhension des effets de la connectivité hydrologique sur les processus écosystémiques et leurs répercussions sur la biodiversité permettrait d’ajuster la réhabilitation des plaines alluviales. De cette manière, les biocénoses ne seraient plus seulement considérées comme la finalité de la restauration, mais en tant qu’agent, via l’action qu’elles exercent sur elles-mêmes (au travers des interactions biotiques ou processus-biodiversité), illustrant l’agentivité de celles-ci (Haicault, 2012) et générant de l’incertitude dans les mesures de restaurations hydromorphologiques actuelles. L’émergence de cet objet d’étude dans le champ scientifique est alors susceptible de modifier les paradigmes de la gestion des cours d'eau actuelle. Le but de la présentation sera d’exposer comment un travail de thèse interdisciplinaire peut répondre à ces questionnements synergiques pourtant rarement étudiés de manière conjointe. Tout d’abord, nous présenterons le dispositif méthodologique inédit mis en place sur le Rhône français afin de caractériser les processus écosystémiques à l’œuvre et leur rôle sur la structuration des réseaux trophiques dans 13 annexes fluviales. Puis, nous montrerons comment la mobilisation conjointe des sciences sociales et des sciences écologiques est de nature à dépasser les frontières du laboratoire d’écologie pour appréhender l’objet d’étude sous un autre regard. Une telle interdisciplinarité permet d’interroger l’émergence d’un nouveau paradigme lié à l’agentivité des biocénoses dans le champ scientifique et auprès des gestionnaires.