Les pratiques militantes actuelles sont marquées par des contestations violentes, qu'il s'agisse des actions militantes (blocage des routes, opérations de sabotages, etc.) ou des répressions policières, en France comme en Allemagne. Dans les deux pays, les sanctions des pouvoirs juridiques, administratifs ou encore politiques inscrivent le militantisme écologiste au coeur des rapports au pouvoir et au savoir. Les discours militants constituent en ce sens un objet important de l'analyse du discours qui est ancré dans des relations interdiscursives. Le corpus, composé de discours publiés sur les sites internet de quatre associations (Les Soulèvements de la Terre, Extinction Rebellion France, Letzte Generation, Extinction Rebellion Allemagne), fait état d’un ethos militant (Amossy 2006) qui revendique son hétérogénéité tout en fondant son action sur diverses références. Comment le recours à des relations interdiscursives dans le discours argumentatif participe-t-il à l’émergence d’un ethos collectif militant ? Nous postulons que l’interdiscursivité (Bonnet, Mercier et Siouffi 2022) renvoie à une stratégie de légitimation fondée sur un argument d’autorité en faisant appel aux savoirs scientifiques (Lartigue 2020). Une seconde hypothèse associe interdiscursivité et perspective internationale du militantisme écologiste en ce qu’elle inscrit discours et pratiques militantes dans un espace transculturel (Narcy-Combes 2018). À partir du logiciel d’annotation de ressources audiovisuelles ELAN et de TXM, nous menons des analyses de contenu et de lexicométrie permettant de croiser les données relatives à l’interdiscursivité et à l’ethos collectif militant exprimés au cours de l’entretien. Concernant l’interdiscursivité, seront exploités le contexte d’énonciation des relations interdiscursives, l’utilisation de la référence à des fins argumentatives, tant par stratégie d’affiliation que d’opposition. L’approche qualitative de l’ethos militant reviendra sur l’émergence du locuteur collectif (Hekmat 2015), revendiqué dans sa pluralité voire ses contradictions et son rapport au pouvoir économico-politique. Les premiers résultats témoignent d’un référencement au savoir scientifique quasi-absent de l’argumentation des militants. Les relations interdiscursives permettent avant tout de distinguer les collectifs des autres mouvements écologistes en établissant une identité propre et un rapport aux pouvoirs et aux différents savoirs spécifiques. L’interdiscursivité joue également un rôle dans la stratégie de légitimation, en permettant aux militants de ne pas expliciter leur démarche. L’exploitation du corpus fait état d’un faible degré d’internationalisation au bénéfice d’une mise en valeur des spécificités du mouvement. Toutefois, l’ethos collectif s’installe dans un militantisme intersectionnel à portée transnationale en ce qu’il lie la cause écologiste à l’activisme décolonial, ce qui s’explique notamment par l’identité politique revendiquée décoloniale du média sur lequel a lieu l’entretien. La contestation du pouvoir passe ainsi dans le discours par une ouverture idéologique à d’autres luttes, où l’interdiscursivité participe à l’émergence d’une culture militante commune à portée universelle.