Au croisement de la sociologie du militantisme et des études de genre, cette communication prendra appui sur les premiers résultats d’une recherche menée dans le cadre d’une thèse de science politique. Cherchant à mettre à jour les rapports de genre qui se trament dans l’engagement antispéciste, ce travail repose sur des données empiriques récoltées par le biais d’une enquête ethnographique réalisée dans plusieurs organisations antispécistes françaises. Parmi elles, les sanctuaires correspondent à un dispositif de sensibilisation que le politiste Christophe Traïni qualifie de « registre de l’attendrissement » (Traïni, 2019), notamment parce qu’il invite à « endosser le rôle de secouriste ». Les organisations qui s’y affilient ont effectivement tendance à solliciter des émotions, telles que la « compassion », la « tendresse », l’ « affection », ou encore la « gratitude ». Autrement dit, ce registre invoque des émotions qui renvoient à une conception traditionnelle de la féminité, ce qui laisse supposer que les femmes du mouvement seraient plus à même de s'y engager. Tout au long de cette communication, l’investissement militant dans un sanctuaire sera donc questionné au prisme du genre et envisagé comme un outil potentiel dont disposent les militantes pour s’ « empouvoirer ». Elle cherchera à pointer en quoi cet investissement peut renverser le schéma récurrent d’une « captation par les hommes des fonctions à forte valeur sociale ajoutée » (Kergoat, 2005). Par ailleurs, elle explorera en quoi ces lieux, où humain·e·s et autres animaux se côtoient et apprennent à vivre ensemble, véhiculent des valeurs et des pratiques qui se fondent sur des développements théoriques de l’antispécisme proches du concept d’éthique féministe du care. Enfin, elle soulignera, en quoi cette transformation des rapports sociaux, offrant au premier abord une possibilité de transformation des rapports inter-espèces, ne néglige pas des enjeux de transformation sociale entre humain·e·s.