Au croisement de la sociologie du militantisme et des études de genre, cette communication reviendra sur une recherche de mémoire, désormais prolongée dans le cadre d’une thèse en science politique. Cherchant à mettre à jour les rapports de genre qui se trament dans l’engagement antispéciste, ces travaux reposent sur des données empiriques récoltées au cours d’une enquête ethnographique de six mois dans un collectif de lutte contre la chasse à courre, et sur les premières données recueillies au cours d’une nouvelle enquête menée dans plusieurs organisations antispécistes françaises. Entre autres constats, ce travail de recherche met en évidence le souci de légitimité auquel s’exposent les militant·e·s antispécistes. Comme le projet de leur mouvement « remet en cause les fondements anthropologiques de la société » et récuse « des certitudes bien ancrées » (Hauguel, 2019), il fait effectivement face à de nombreux discours disqualifiants en provenance de leurs opposant·e·s ou d’autres défenseur·euse·s des luttes « humano-centrées ». Cette communication exposera donc comment la lutte antispéciste s’est historiquement construite par analogie avec les luttes antiracistes et antisexistes. Afin de contrer ce souci de légitimité de la cause animale dans l’espace des militantismes, les discours des militant·e·s articulent effectivement « la mobilisation contre l’exploitation animale aux luttes égalitaires contre les discriminations sexistes ou racistes » (Carrié, 2015, p. 609). Plus que la seule défense des animaux, ielles s’inscrivent dans la perspective d’un « nouveau mouvement égalitaire et radical » qui prendrait en compte « l’ensemble des rapports de domination » (Carrié, 2015, p. 609). En l’insérant dans le sillon des autres luttes progressistes, ces militant·e·s contribuent à définir l’antispécisme comme « une cause totale » (Hauguel, 2019). Par conséquent, militer dans ce mouvement nécessite d’avoir déjà réfléchi à son propre positionnement vis-à-vis de ces autres luttes. À cet égard, le discours et les pratiques féministes interviennent comme des réquisits au sein du groupe militant, faisant au préalable l’objet d’un véritable travail « d’appropriation de l’identité militante féministe » (Jacquemart, 2015, p. 208). En outre, la maîtrise de ce « capital militant » (Matonti & Poupeau, 2004) facilite leur insertion dans d’autres univers militants, véritable occasion de rappeler le bien-fondé de leur engagement en faveur de tou·te·s les dominé·e·s. A l’aune de ce terrain, cette communication expliquera donc en quoi l’imbrication des identités militantes peut représenter un horizon stratégique pour une cause en manque de légitimité, très souvent discréditée ou jugée subsidiaire.