Transgresser pour son village trahir son village
Résumé
Cette communication propose deux axes complémentaires centrés autour des liens entre les clubs sportifs ruraux et leurs villages.
Le premier porte plus spécifiquement sur les styles de jeu de ces clubs. En effet, l’étude des styles de jeu des équipes de sport collectif, et principalement le football, ont déjà pu montrer qu’il existe des différences géographiques, avec des jeux plus rudes, basés sur la force physique dans toute une partie est et sud de la France (Praîcheux et Ravenel, 2005). A une échelle plus locale, cette stylisation apparaît également entre clubs urbains et clubs ruraux, et même entre des clubs ruraux du même département. Par exemple, les anciens clubs miniers du Puy-de-Dôme (Saint-Eloy-les-Mines ; Messeix ; Brassac-les-Mines ; Auzat-la-Combelle) se sont, au cours de leur histoire, appuyés sur un style de jeu dit « minier », basé sur un fort engagement, une ambiance jugée difficile par les adversaires et plus globalement sur un dépassement du strict fair-play sportif tel qu’il est communément admis. Aujourd’hui encore, ces clubs cherchent à se baser sur cette identité en poursuivant à perpétuer ce style de jeu alors que les mines ont fermé depuis plusieurs décennies. Cette présentation s’attache donc à montrer comment ces clubs d’anciens bassins miniers, mais également d’autres clubs ruraux plus isolés, transgressent les règles pour se singulariser, pour défendre le village coûte que coûte face aux équipes adverses. Cette transgression permet donc tout autant de se distinguer des autres clubs tout en créant une identité commune autour du club, autour d’un esprit clocher.
A l’inverse, cet esprit clocher peut tendre à diminuer, voire tout simplement à disparaître du fait de fusions entre clubs proches. Une fusion indique que deux clubs (ou plus) mutualisent leurs moyens, leurs installations, leurs licenciés afin de ne créer qu’une seule entité. La tendance aux fusions de clubs est très forte ces dernières années, surtout dans les territoires ruraux, du fait de la baisse du nombre de bénévoles et de la difficulté croissante à maintenir des effectifs suffisants. Cependant, la question de cet esprit clocher est souvent la plus difficile à dépasser dans le cadre de ces fusions. En effet, les clubs fusionnés étaient très régulièrement rivaux et s’affrontaient lors de derbys qui dépassaient souvent la stricte rivalité sportive. Il était alors question de suprématie locale. Or, avec la fusion, cette rivalité disparaît ce qui ne se fait pas sans remous, car cela peut aboutir à la création de nouveaux clubs, au départ d’une partie des bénévoles et joueurs ainsi qu’à un arrêt du soutien des collectivités locales. Cela est dû à un sentiment d’abandon, voire de trahison envers le village qu’engendre la fusion avec le club voisin. Cette présentation propose donc d’étudier comment ce sentiment de trahison est dépassé par le nouveau club issu d’une fusion ou, au contraire, comment il peut aboutir à l’échec pur et simple de la fusion.