Le projet de construction d’un vingtième barrage hydro-électrique a été annoncé, en 2019, lors de la concertation relative à la prolongation de la concession d’aménagement et d’exploitation du fleuve par la Compagnie Nationale du Rhône. Localisé sur le Haut-Rhône à l’amont de la confluence de l’Ain, ce projet, aujourd’hui appelé Rhônergia, prend place dans un secteur du fleuve qui avait déjà fait l’objet d’un projet de barrage dans les années 1980 et qui avait été abandonné du fait d’une forte opposition locale et nationale (Flaminio et Le Lay, 2017). Le Bas-Rhône est également concerné par un aménagement « lourd » : l’ouvrage Aqua Domitia pompe directement dans le fleuve Rhône en amont d’Arles et dessert en eau potable et d’irrigation Nîmes et Montpellier et les territoires jusqu’à l’Aude. Initialement pensé pour alimenter la Catalogne, le projet avait fait l’objet de vives oppositions dans les années 1990 et son périmètre avait été fortement réduit (Ruf, 2015). En mars 2024, dans un contexte de pénuries d’eau chroniques, le prolongement du réseau Aqua Domitia jusqu’aux Pyrénées-Orientales a été remis en débat au sein de l’assemblée générale du conseil régional d’Occitanie-Pyrénées-Méditerranée (Le Monde, 8 avril 2024). Pourquoi deux « anciens » projets d’aménagements lourds émergent-ils sur le Rhône dans un même laps de temps ? Comment sont-ils présentés comme des solutions aux enjeux environnementaux contemporains, les besoins en énergie, d’une part et en ressource en eau, d’autre part, alors qu’ils ont été largement contestés ? Cette communication consiste, à partir de ces deux projets, à analyser : 1) la permanence de la représentation du Rhône comme un fleuve aux ressources inépuisables, alors que les scénarios climatiques et les études relatives aux effets environnementaux des barrages interrogent les limites du fonctionnement du socio-hydrosystème fluvial rhodanien ; 2) la capacité des enjeux énergétiques et climatiques contemporains à relégitimer des aménagements lourds, dans une représentation solutionniste basée sur une logique de bâtisseur ; et 3) les contradictions environnementales, économiques et éthiques que ces projets soulèvent à différentes échelles spatiales et temporelles.