Plus d'un tiers des exploitations agricoles françaises s'appuient sur 11 300 coopératives d'utilisation de matériel agricole pour partager des équipements et du travail, voire aussi des salariés et des bâtiments. Alors que les entreprises de travaux agricoles n'ont cessé de se développer et de se professionnaliser ces dernières décennies, les Cuma restent présentes de manière significative dans le secteur agricole et se distinguent par plusieurs dimensions. Ainsi, alors que le salariat agricole est marqué en France par la précarisation, les plus de 5 000 personnes employées par les Cuma, en grande partie des chauffeurs-mécaniciens, forment la catégorie salariée bénéficiant des meilleures conditions de travail en agriculture. Autre distinction, les achats d'équipements en Cuma ont montré un plus grand dynamisme depuis trois décennies que l'ensemble des acquisitions matérielles du secteur de la production agricole en France. Comment expliquer qu'une part significative des agriculteurs et agricultrices français continuent de s'appuyer sur les Cuma malgré le développement d'alternatives pouvant s'y substituer ? Quelles sont les exploitations membres de ces coopératives et quels sont les déterminants de leur adhésion ? Pour répondre à ces questions, notre communication synthétise les travaux les plus récents sur les réalités de ce mouvement coopératif et montre que des exploitations de petite et moyenne échelle choisissent de recourir à la Cuma pour atténuer le coût des équipements et orienter la gestion de ces derniers de façon à renforcer leurs stratégies valorisant certains de leurs atouts stratégiques. Par ailleurs, alors que de nombreuses organisations agricoles ont vécu des processus de déterritorialisation, les Cuma se distinguent par leur nature autogestionnaire et leur échelle spatiale locale. Ceci s'explique par la matérialité des ressources mutualisées (machines, infrastructures, travail, etc.) qui impose une gestion adaptative et un certain degré de proximité physique, sous peine de perdre les bénéfices du partage en raison du temps passé en déplacements. C'est ainsi que coopératives constituent aujourd'hui le plus grand réseau de collectifs locaux d'agriculteurs et d'agricultrices en France et nourrissent un capital social local, devenant stratégique à l'heure actuelle.