On se propose d’avancer dans la description du fonctionnement des deux formules proches disons et on va dire, qui l’une et l’autre peuvent être considérées sinon comme des marqueurs modaux du moins comme des marques d’énonciation particulièrement mobilisées dans le déploiement de positions modales à des fins argumentatives. L’une et l’autre ont fait l’objet d’un nombre relativement important d’études dans différents cadres théoriques (voir bibliographie). Il s’avère que les analyses auxquelles elles ont donné lieu sont volontiers divergentes, selon notamment que l’accent est mis sur la « non-coïncidence » (entre interlocuteurs ou plus fondamentalement entre le dit et ce qui serait à dire) dans la lignée des travaux d’Authier-Revuz (2012(1995)), ou qu’il est mis au contraire sur une forme de consensus pour on va dire (Steuckardt, 2016) voire d’engagement pour disons (Franckel (2016) et Saunier (2012) pour certains de ses emplois). Beaucoup des études en question ont par ailleurs pu montrer que chacune des deux formules recouvre une palette assez large de valeurs, qui peuvent même par certains aspects être tenues pour contradictoires. Et la variation est suffisante en l’occurrence pour que l’on ait aussi de larges pans où les deux paraissent quasi interchangeables. Pour rendre compte de leurs valeurs et de leurs modes de fonctionnement dans les énoncés, on se propose d’abord d’étudier leurs modalités d’insertion dans le contexte : le corpus utilisé est constitué de données de CFPP2000 ou obtenues grâce à Reverso via le détour des traductions anglaises ; on reprend aussi les données recueillies et traitées par Saunier, Steuckardt, Khachaturyan, Franckel. On soutiendra que les deux formules ne s’inscrivent pas dans le même type de contexte, et n’interagissent pas de la même façon avec lui : disons s’inscrit dans le cadre d’un débat, d’une alternative entre le vrai et le faux, quand on va dire travaille sur une éventualité prise dans une classe de possibles donnés comme équivalents les uns aux autres. Pour rendre compte de cette différence, et pour arriver à une caractérisation précise du fonctionnement de chacune des formules, on proposera d’analyser chacun des composants qui les constituent : l’impératif d’un côté, l’auxiliaire aller de l’autre, l’infinitif, mais aussi le pronom on, et de l’autre côté la désinence -ons. On s’appuiera aussi sur des travaux antérieurs que nous avons pu mener sur le verbe dire lui-même. On s’oppose en effet sur le plan méthodologique aux théories de la grammaticalisation, considérant que chacun des moyens mobilisés dans une formule quelle qu’elle soit participe au calcul du sens, dans sa variation même. Cela permettra de rendre compte à la fois des différences de contextualisation et aussi de ce que l’on décrira comme des différences de tempo, avec disons travaillant continument à nourrir l’avancée du discours quand on va dire avance par à-coups. Ainsi nous espérons montrer que l’un comme l’autre, quoique chacun différemment, marquent en définitive ce qui est le travail du dire, et permettent de mieux comprendre en quoi il procède, d’un choix à l’autre, continument ou point par point, avec des formules empruntées ou avec des mots pesés, laissant ouvert le champ des possibles, ou venant clore un débat.