Conçue dans une perspective interdisciplinaire, cette intervention se propose d’illustrer la manière dont les évolutions techniques dans le champ des humanités numériques, du traitement automatique de la langue et des systèmes d’information géographique permettent de progresser dans notre connaissance des discours encyclopédiques tenus dans le domaine de la géographie au XVIIIe s. L’apparition puis la vogue des dictionnaires universels (terme imaginé par Furetière pour son dictionnaire édité en 1690) et des encyclopédies en France aux XVIIe s. et XVIIIe s. et au-delà, participe d’un vaste mouvement de réordonnancement alphabétique du savoir qui a assuré aux dictionnaires un rôle majeur, dès l’âge classique, dans la diffusion des savoirs (Quemada 1967, Leca-Tsiomis : 2009, 2023 ; Vigier, 2022). Si l’on s’en tient à deux œuvres majeures à vocation encyclopédique qui ont dominé le XVIIIe s., à savoir le Dictionnaire Universel François et Latin de Trévoux (DUFLT) et l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres (1751-1774), on observe que le nombre d’entrée traitant de la géographie occupe numériquement une place prépondérante au sein de leur nomenclature, dès 1751 chez la seconde et à partir de sa deuxième édition (1721) pour le premier. (Vigier, Moncla, Joliveau & Lefort, 2022 ; Brenon, Moncla & McDonough, 2022 : 147). Pourtant, à une période où la cartographie est en pleine construction (le chantier de la Carte Cassini du Royaume de France débute en 1756), on ne trouve aucune carte géographique dans aucune de ces deux œuvres. A ce sujet, Diderot déclarait dans le volume 5 de l’Encyclopédie à propos de son traitement de la géographie : « A ceux qui l’auroient désirée moins sèche : qu'il étoit nécessaire de s'en tenir à la seule connoissance géographique des villes qui fût scientifique (…) & qui suffira à la postérité pour construire de bonnes cartes de nos tems, si nous la lui transmettons » (Article « Encyclopédie »). Nous montrerons comment, à partir du repérage, de l’extraction et de l’annotation des entités nommées présentes des quelques 15000 articles de géographie de l’Encyclopédie (Moncla, Vigier & McDonough 2024), combinés à une analyse des coordonnées géographiques (longitudes et latitudes) formulées dans certains d’entre eux, on peut commencer à élaborer une topographie des lieux évoqués dans l’œuvre, avec l’objectif de donner à voir l’image spatiale du globe telle qu’elle est véhiculée dans et par les discours des encyclopédistes. Nous serons ainsi conduits à présenter un prototype de carte interactive des lieux des articles de l’Encyclopédie pourvus de coordonnées, en nous interrogeant sur la forme que pourrait prendre une navigation proposée aux internautes couplant accès au texte et visualisation cartographique. Pour conclure cette présentation, nous aborderons le projet de transférer les méthodes d’analyses que nous avons déployées pour l’étude des articles de géographie dans l’Encyclopédie de Diderot & d’Alembert en vue d’étudier la dynamique évolutive des représentations topographiques de l’espace mondial dans la série des éditions du DUFLT.