Baliser le paysage : lisibilité et accessibilité des ressources pédagogiques du CDI d’un lycée agricole
Cultiv cteur
Résumé
Notre proposition vise à questionner la notion de " support " via l’étude d’un CDI de lycée
agricole envisagé comme " méta-support ". Dans le cadre d’une recherche-projet, nous travaillons à redéfinir le CDI dans l’optique de créer un continuum entre les ressources professionnelles et les gestes métiers propres au domaine agricole et susceptibles d’évolution eu égard aux problématiques environnementales actuelles. Dans ce cadre, quelle médiation documentaire opérée par le CDI participerait à développer et consolider la culture professionnelle, mais également la littératie scolaire participant à l’acquisition de cette culture ? Il nous apparaît essentiel de proposer une vision plus synergique de l’accès aux ressources, non ascendante et moins normée (classifications) dans l’objectif de favoriser la mise à disposition et la circulation des ressources.
Notre proposition vise à questionner la notion de " support " à travers l’artefact, envisagé comme " méta-support ", qu’est le Centre de Documentation et d’Information (CDI). Via l’étude d’un CDI de lycée agricole, nous posons les deux questionnements suivants : quelle médiation documentaire opérée par le CDI participerait à développer et consolider la littératie scolaire ? Comment créer un continuum entre les contenus théoriques et les gestes métiers susceptibles d’enrichir les pratiques professionnelles, en particulier à l’aune des questions environnementales ?
Contexte et problématique
Le CDI d’un établissement scolaire constitue un lieu central d’accès aux ressources pédagogiques.
C’est également le lieu dans lequel le professeur-documentaliste met à disposition un fonds documentaire susceptible de répondre aux besoins des enseignants et apprenants. Cet espace articule un usage immédiat de la ressource en contexte pédagogique, mais il est également formateur pour " l’inculcation d’un habitus culturel " (Evans & Hersent, cité par Piquet, p. 29) pour les futurs citoyens que sont les apprenants en formation.
Au sein d’un lycée agricole, la politique documentaire et le projet CDI tiennent compte des
problématiques environnementales (plans EPA : " Enseigner à produire autrement "). Il s’agit
donc de constituer un fonds documentaire spécifique de ressources professionnelles. Mais, alors
que ces ressources sont susceptibles de jouer un rôle fondamental dans l’évolution des pratiques
agricoles, nous constatons qu’elles sont peu, voire non utilisées. Ce désintérêt nous semble multifactoriel, même si l’enjeu majeur concerne les lacunes en matière de compétences littéraciques des apprenants. Notre optique est donc de créer un continuum entre les gestes professionnels et les ressources plus théoriques proposées au CDI. Il nous apparaît essentiel de proposer une vision plus synergique de l’accès aux ressources, non ascendante et moins normée (classifications) dans l’objectif d’encourager les emprunts et les consultations.
Nous traitons de cette problématique dans le cadre d’une recherche-projet (Findeli, 2004) visant
à baliser le paysage informationnel, matériel et végétal in situ, en travaillant sur la lisibilité et
l’accessibilité aux ressources.
Cadre théorique
Le CDI d’un établissement est un espace complexe, au croisement d’enjeux pédagogiques et culturels. Leur institution en tant qu'espace documentaire scolaire spécifique en 1973 s’accompagnait d’une volonté de valoriser les méthodes actives et de développer l’agentivité des élèves. Ces intentions sont traduites au sein d’un espace architectural spécifique témoignant des ambitions pédagogiques souhaitées par l’École. Ce projet inclut la classification documentaire (Classification décimale universelle, Classification Dewey, cotations par genre) et la signalétique qui constituent un discours sur le lieu et définissent son identité, l’orientation, l’organisation des
flux, la lisibilité et l’accès aux ressources (Pagès, 1995). Ces choix ne nous semblent pas reposer
sur une conception théorique forte du point de vue de la documentation scolaire, contrairement
aux bibliothèques publiques.
Nous nous appuyons sur un ensemble de travaux en bibliothéconomie pour nous aider à mieux
caractériser " les modalités d’énonciation (énonciation signalétique) et de ses effets (...) " (Pagès,
p. 11). Nous questionnons les gestes graphiques et classificatoires comme " instrument de canalisation " de l’information (Piquet, 2003, p. 8) facilitant le repérage des usagers dans l’espace et l’accès aux ressources. Ils mettent en tension injonctions et liberté de circulation (Piquet, 2003)
et incitations basées sur des techniques de merchandising (Beudon, 2017).
Les travaux en signalétique muséale ouvrent également des pistes de réflexion, notamment sur
les " supports d’appels plus que d’orientation " (Pages, 1995, p. 7) pour explorer les facteurs
motivationnels.
Enfin, notre contexte d’intervention présentant la spécificité du lien à l’environnement végétal,
les travaux sur le design graphique " situé " intégrant les signes dans leur dimension patrimoniale ont un intérêt tout particulier (Dégheil et Huz, 2019) pour ancrer nos interventions sur notre terrain. Ces travaux nous invitent à un changement de paradigme qui remet en question les normes et modèles de pensées véhiculées par la classification et la signalétique, et ainsi à redéfinir le CDI.
Méthodologie
Nous mobilisons l’ensemble de ces travaux au sein du cadre de la recherche-projet tel que défini par Findeli (2004).
Notre travail, dans sa phase d’analyse (phase 1), s’appuie sur des :
• immersions de type ethnographique : relevés de terrains au CDI et dans les espaces de
culture, photographies de l’organisation spatiale, analyse de la signalétique et de la classification
des ressources, observations d’usage ;
• entretiens semi-directifs avec les enseignants, et la professeure-documentaliste (engagée
dans cette recherche-projet au double-titre d’acteur et de chercheur) ;
• captures d’écran et des statistiques d’usage des ressources du CDI ;
• études de textes institutionnels (référentiels, programmes...).
Résultats
Nos premiers résultats, appuyés sur une cartographie des ressources, montrent un éclectisme et
une sédimentation signalétique et classificatoire peu propice à encourager l’usage des ressources.
Par ailleurs, le CDI est un îlot peu connecté aux espaces professionnels (exploitation, laboratoires...).
Nos premiers constats et analyses nous amènent à travailler une homéostasie des
ressources à l’échelle de l’établissement et du territoire s’inscrivant dans le paysage.
Conclusion
Si le CDI s’est toujours voulu ouvert, inclusif et capacitant, ce paradigme semble avoir du mal
à se concrétiser sur le terrain. Au stade de notre recherche, le modèle du tiers-lieu constituerait
un modèle pertinent pour repenser la circulation des ressources.
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