Comment l’auteure, dont la famille et l’existence sont intimement liées à l’aristocratie décrite par Proust, trouve dans la lecture de celui-ci une double ressource. D’une part, un tableau clinique fictionnel qui éclaire son milieu familial mieux que son expérience propre et lui révèle combien l’aristocratie est avant tout une esthétique : un monde de pures formes, détachées du réel, un exercice de style à la recherche de l’effet. D’où l’importance accordée à l’imagination et à la langue, qui font de la lecture de Proust non seulement une expérience de littérature mais également de connaissance, de savoir sur le monde. D’autre part, grâce à l’acuité de ce regard et sa capacité à universaliser le sujet minoritaire – en l’occurrence, ici, homosexuel – cette lecture est également pour l’auteure, dont la révélation de l’homosexualité a rompu les liens avec sa famille, l’histoire d’une émancipation sociale.