Anthropologie psychanalytique, sciences historique et juridique sont convoquées ici pour analyser la genèse de l’identié à La Réunion, restituer le fil social et humain du traumatisme de l’esclavage et l’axe généalogique qui garantit la reproduction des générations d’individus et la viabilité des familles. L’objectif est d’interroger les manières dont le Principe de nomination des individus restitue le lien entre subjectivité et institutionnalité (Legendre, 1983) : comment la normativité occidentale a-t-elle élaboré les assises juridico-politiques de l’identité à La Réunion, dans un contexte social, familial et humain qui a subi le traumatisme de l’esclavage ? Nous posons l’hypothèse que la disjonction entre subjectivité et institutionnalité opérée par l’esclavage altère le socle de l’anthropologie dogmatique (Legendre, 1996) au point de générer chez l’être humain devenu esclave un processus de dé-Référenciation Symbolique (concept inédit) avec des incidences attendues sur l’économie psychique de certains sujets réunionnais descendants d’esclaves. La méthodologie passe par une investigation diachronique (Petit, 1995, 2015) : entretiens semi-directifs audio-enregistrés, questionnaires sur les représentations de l’identité selon un corpus identique pour chaque corpus: 49 lycéens, trente personnes de la vie active et six récits de vie de personnes âgées. Les résultats confirment que le questionnement identitaire porte les traces d’une difficile réappropriation de la matrice identitaire et confirme le processus de dé-Référenciation Symbolique généré par le Code noir (1724) et ses conséquences : mutilation généalogique et altération du Principe de nomination de la majorité des habitants de l’île (esclaves et affranchis) dont l’étude a repéré l’impact étendu à l’ensemble de la société jusqu’à nos jours. D’où la nécessité d’une réparation juridique de la « dette désaffiliée » car le lien transgénérationnel des familles ayant des ascendants esclaves et affranchis a été altéré. L’étude atteste le mouvement récent de restauration symbolique de l’esclavage par l’engouement chez les jeunes pour trois composantes de la dimension afro-malgache de l’identité (maloya, Service-Kabaré, moring) et la recherche généalogique.