L’enquête qualitative sur laquelle s’adosse l’analyse a été menée durant la première moitié des années 2010. Outre un travail d’analyse des tracts, la démarche d’enquête repose sur l’observation d’activités militantes et sur la réalisation d’entretiens semi-directifs avec les militants. Quatre comités du NPA ont été suivis par le biais d’observations entre 2009 et 2016. Trente entretiens ont été réalisés avec des militants de ces mêmes comités et des instances nationales (commission quartiers populaires...). L’analyse donne à voir combien le NPA du début des années 2010 se distingue de ses homologues des gauches de la gauche par l’attention privilégiée qu’il porte aux habitants des quartiers populaires (Moalic-Minnaert 2017). L’enquête multi-située menée sur le moyen terme permet de repérer les oscillations de l’organisation entre effacement et reconnaissance des spécificités des vécus et appartenances identitaires des habitants des quartiers populaires. Au sein de l’organisation, le « cadrage » (Benford et Snow, 2012) du vécu de ce public est ainsi au cœur de débats intenses : la spatialisation et l’ethnicisation des matrices cognitives divise. Les formes du travail militant mené en direction des quartiers populaires sont diverses. Si on observe une relocalisation du militantisme anticapitaliste dans les quartiers populaires, les « identités de participation » entendues comme les référents identitaires autour duquel s'opère le recrutement d’un public (Gould, 1995) sont plurielles. Le choix qui est fait d’employer un langage spécifique, « restreint » (Bernstein, 1975) et relevant de la « culture de la rue » (Lepoutre, 1997) pour s’adresser aux habitants des quartiers populaires est inégalement perçu en interne.
Cette communication s’efforcera d’identifier les soubassements de la démarche tiraillée entre reconnaissance et effacement des spécificités des habitants des quartiers populaires. Si le courant duquel est issu le NPA –la LCR– a une tradition de reconnaissance de la pluralité des dominations vécues (Kernalegenn, 2005) l’activation d’une adresse spécifique aux franges pluri-dominées –ethniquement discriminées et spatialement ségrégées– des classes populaires est étroitement liée à la présence dans les comités de militants issus de quartiers d’habitat social. En termes de recrutement, le NPA connait en effet au début des années 2010 un « tournant quartiers populaires » qui fait suite au « tournant employé » de la LCR du début des années 2000 (Johsua, 2015). Ces militants jouent un rôle de courtage d’une réalité sociale et ils ont un rôle décisif quant à l’émergence de « présentations de soi organisationnelles » susceptibles de trouver un écho dans les quartiers populaires. Le poids des attributs de ces militants dans les démarches d’adresse aux quartiers populaires comme la portée de leurs prises de positions se voit toutefois limités dès le début des années 2010 par la reproduction, en interne, des rapports de domination par ailleurs dénoncés. L’absence de redéfinition des normes de « l’excellence militante » dans un sens valorisant les savoirs et savoir-faire des militants issus des quartiers populaires conduit à leur rapide désinvestissement.