Dans le monde entier, les femmes se sont présentées comme un élément important du renouvellement politique, formant un bloc de résistance contre l'autoritarisme (Blandin, 2017 ; Hollanda, 2019 ; Jouët, 2022 ; Pinheiro-Machado, 2019). Le militantisme féministe contemporain se structure comme le résultat d'une nouvelle configuration de mouvements sociaux soutenus par des outils socio-techniques (Neveu, 2019 ; Pinheiro-Machado, 2019). C'est une lutte faite de hashtags, "mais pas seulement, car nous la portons avec nos corps" (Pinheiro-Machado, 2019, p. 174). Les mobilisations telles que le mouvement #MeToo, au caractère organique et renforcé par internet, sont le portrait des mouvements sociaux féministes d'aujourd'hui. Ces expériences collectives se transforment parfois et prennent des formes différentes. Dans le cas des féminismes, parmi les nouvelles façons d'agir, d'informer et d'étendre la portée de la cause dans l'environnement numérique, il y a le médiactivisme féministe, un monde social composé de l'interstice entre le journalisme, l'activisme numérique et le militantisme politique. À travers une approche méthodologique qualitative et ethnographique (Amaral, 2010 ; Klem, 2013 ; Miller, Slater, 2004 ; Polivanov, 2013 ; Travancas, 2012), basée sur plus de 60 entretiens approfondis avec les actrices qui composent ces espaces – réalisés de novembre 2020 à novembre 2022 –, je cherche à comprendre comment se structurent les initiatives médiatiques féministes au Brésil et en France. En prenant comme objet d'étude les pratiques d'un journalisme engagé – au sens de la sympathie pour les douleurs universelles (Medina, 1982) – et numérique produit par des féministes, je pars des trajectoires des actrices du monde pour observer les interactions, la structuration des conventions et les formes de collaboration et d'articulation des initiatives médiatiques féministes numérique. Je considère également les relations de pouvoir et les conflits qui traversent le monde social (Bourdieu, 1989). Différents actrices du groupe, y compris les membres des équipes de soutien et le public, contribuent à la recherche, ce qui donne une plus grande multiplicité de points de vue et de comptes rendus aux résultats. Dans une perspective interactionniste (Becker, 1982 ; Blumer, 1969 ; Mead, 1934), les contenus émis par les publications de communication féministe résultent d'une activité collective basée sur les contributions et l'implication d'un ensemble d'actrices sociales dédiées à la création, la diffusion et la consommation de ce matériel (qui comprend des informations, des rapports, du journalisme d'opinion et des contenus éducatifs ou de soutien liés à l'équité de genre et aux droits des femmes). Les routines de production du groupe dépendent de la collaboration des journalistes, mais aussi de tout un réseau de personnes qui travaillent dans différents secteurs à l'intérieur et à l'extérieur des organisations médiatiques et contribuent à la maintenance du monde social. Ce sont les trajectoires et les interactions du groupe dans son ensemble qui m'intéressent. Ainsi, l'étude ne dispose pas d'un scénario avec des hypothèses préalablement soulevées à partir de données connues (Dantas, 2018, p. 128), puisque la recherche est d'essence inductive et que les résultats mêmes issus de l'application méthodologique doivent indiquer les caractéristiques et les modes de structuration du monde social investigué. Les résultats préliminaires suggèrent que le militantisme médiatique féministe, lié au journalisme numérique, semble en quelque sorte avoir un impact sur la promotion d'interactions plus horizontales entre le réseau de personnes qui collaborent avec le monde social et encourage une plus grande interaction entre les productrices de contenu et les membres du public. Les actrices expriment un désir constant de transformer les structures sociales dans lesquelles elles sont intégrées par le biais du militantisme. Pour les productrices de contenu, l'activisme féministe dans les médias apparaît également comme une occasion d'opérer des transitions dans leur carrière et leur vie personnelle. L'analyse laisse entrevoir comment les formes de coopération entre ces acteurs sociaux se constituent dans les contextes d'interaction et de négociation de la pratique du journalisme et du militantisme politique. Il en résulte un nouvel ensemble de conventions qui organisent le travail collectif. En ce sens, l'étude contribue à décrire la constitution d'un espace relativement nouveau (Strauss, 1982) qui transcende le journalisme et l'activisme féministe dans la sphère numérique et qui se structure dans les premières années des années 2010. La recherche met également en évidence la nature hétérogène de ce monde, en explorant un large éventail d'acteurs et actrices différents qui le composent, en allant au-delà des productrices de contenu et en écoutant les perceptions, les histoires et les trajectoires du personnel de soutien et des membres du public. À partir de là, je cherche à expliquer les mécanismes d'innovation, de segmentation et de changement dans le monde du journalisme socialement engagé, qui se propose à réfléchir aux questions d'équité des genres en s’appuyant sur l'environnement numérique.