Introduction et but de l’étude: La transition alimentaire vers davantage de protéines végétales (PV) et moins de protéines animales (PA) est encouragée pour des raisons environnementales mais aussi de santé, car elle est associée à un moindre risque cardiométabolique (RCM) par des mécanismes peu connus. Cette étude visait à caractériser finement les réorientations métaboliques associées à la végétalisation protéique chez des hommes à RCM. Matériel et méthodes: Au cours d’un essai clinique randomisé croisé (NCT04236518), les effets d’un régime contrôle omnivore (OM, 36% PV) et d’un régime flexitarien (FL, 64% PV) ont été comparés dans une population d’hommes adultes (n=19 ; 42±7 ans) en surpoids (IMC : 28±2 kg/m²; tour de taille : 103±6 cm) et avec une triglycéridémie élevée (2,1±0,7 g/L). Les deux régimes iso-caloriques ont été fournis pendant 1 mois chacun, sous forme de déjeuners et de dîners prêts à consommer. Le métabolome plasmatique (LC-MS haute résolution non ciblée), des marqueurs plasmatiques de l’homéostasie glucidique et lipidique et de l’inflammation ont été mesurés à jeun toutes les deux semaines. Après chaque régime, les participants ont consommé un même repas de charge (900kcal, lipides=80%E) pour suivre les évolutions postprandiales du métabolome et de la fonction endothéliale (FMD) ainsi que les flux de synthèse protéique (SP) et de lipogenèse de novo (LDN) par la méthode de l’eau deutérée. Les données de métabolomique ont été analysées en combinant méthodes multivariables (LiMM-PCA) et univariables (modèles mixtes), et les autres données ont été analysées par des modèles mixtes. Résultats et analyses statistiques: L'intervention diététique, indépendamment du régime suivi, a amélioré le profil cardiométabolique des participants, avec une diminution du poids corporel (-1%), du LDL-cholestérol (-11%) et de l'insulinémie (-19%) à jeun. Concernant l’effet du régime, si nous n’avons pas trouvé d’effet significatif sur la FMD ni sur les flux de SP et de LDN, l'amélioration du RCM était tendanciellement (0.05 < P ≤ 0.1) plus marquée avec le régime FL que OM, avec une diminution plus forte de l’HOMA-IR (- 38% vs -30%), et une glycémie postprandiale plus basse (AUC : -3%). En outre, il y avait bien un effet régime sur le métabolome plasmatique, avec respectivement 21 et 37 métabolites significativement modulés à jeun et à l’état nourri. Certains de ces métabolites sont des marqueurs connus de consommation des sources protéiques : methylhistidine, acide eicosapentaénoïque et hydroxyprolines pour les PA, trigonelline et N-acetyl-ornithine pour les PV. D’autres constituent des marqueurs d’effets : à jeun et/ou à l’état nourri, la lysine et son sous-produit l’acide α-aminoadipique, ainsi que des produits du catabolisme des acides aminés à chaine ramifiée (AACR), étaient plus élevés après le régime OM, tandis que les acides indole propionique et acrylique ou la triméthylamine-oxyde, tous trois liés à l’activité du microbiote intestinal, étaient plus élevés après le régime FL. Certaines associations n’étaient visibles qu’à l’état nourri, telle qu’une plus grande production par ω-oxydation d’acides dicarboxyliques saturés C12, C14 et C16 avec le régime FL. Conclusion: Nos résultats indiquent que des adaptations métaboliques subtiles se produisent lors d’une augmentation modérée de la proportion de PV, même si elles n’ont que peu affecté le phénotype clinique après un mois. Les signatures métabolomiques associées aux régimes ont permis d’identifier des voies connues pour être associées au RCM, positivement pour le régime OM (catabolisme des AACR et de la lysine [2-3]) et négativement pour le régime FL (catabolisme du tryptophane par le microbiote [4]). La réponse postprandiale a révélé une capacité accrue avec le régime FL d’activer la ω-oxydation comme mécanisme compensatoire en cas de surcharge lipidique et de saturation de la β-oxydation [5]. Ces résultats, qui seront complétés par des analyses transcriptomiques et du microbiote intestinal, permettent de caractériser les réorientations métaboliques précoces lors de la végétalisation protéique du régime alimentaire et fournissent des pistes mécanistiques pour expliquer les données épidémiologiques sur ses liens avec le RCM.