Du corps enculturé au corps acculturé: la place du sport dans la société afghane contemporaine
Résumé
Afghan society places great importance on appearance and appearance. From the way they
daily care of the body, the attention paid to self-image is rooted in Afghan customary values.
rooted in traditional Afghan values. The care of the body, whether hygienic or athletic
plays a key role in social relations, and has traditionally helped to reinforce the sexual
the sexual segregation of Afghan society.
Until the end of the 20th century, sport was practised almost exclusively by men.
the development of the cult of sport since the 1950s, the revival of sporting practices
and the appearance of the first female sports figures at the beginning of the 21st century reveal a profound
social relations in Afghanistan. From the 1950s onwards, the evolution ofthe rules of the traditional sport of buzkashi and interest in team sports such as cricket and volleyball are evidence of a renewed interest in ancestral ceremonial practices, associated with shared collective emotions. While the importance of transnational
influences on Afghan soil, the revival of these ritual practices should also be seen in the context of the rise
with the growth of a sense of trans-ethnic national identity. More recently, the blossoming of sports halls and the craze among Afghan youth for body-building are also indicative of a new national identity, are also indicative of a new era in the relationship between the body and self-representation. While body-building activities and the display of the body in general are all attitudes that are contrary to traditional Afghan ethics and values, how can we interpret this revival of sporting practices? Should we see it as a desire for westernisation, modernisation and
and emancipation from customary values or, on the contrary, a reaffirmation of the reaffirmation of the masculine and virile identity conveyed by traditional social and cultural assignments?
Using a social anthropological approach, the aim of this study is to offer new ways of
complex societal transformations at work in contemporary Afghan society.
society. Using field notes from my various visits to Afghanistan and audiovisual material collected on social networks since 2019, I will attempt to highlight and explain the paradox of the relationship between sport and the body in Afghan society and what it says about its relationship with modernity. The body of work presented here is based on the encounters, experiences and events that have punctuated my daily life among the Afghan people over the last four years. Its diversity will sometimes require the use of methodological tools drawn from
and ethnography, giving this work a multidisciplinary approach.
La société afghane accorde une grande importance à l’apparence et au paraître. De la démarche, à
l’habit en passant par le soin quotidien accordé au corps, l’attention accordée à l’image de soi prend
racine dans les valeurs coutumières afghanes. L’entretien du corps, qu’il soit hygiénique ou sportif,
joue un rôle primordial dans les rapports sociaux, et participe traditionnellement du renforcement
de la ségrégation sexuelle de la société afghane.
Si la pratique sportive est le fait quasi exclusif des hommes jusqu’à la fin du XXème siècle, le
développement du culte du sport depuis les années cinquante, le renouveau des pratiques sportives
et l’apparition des premières figures sportives féminines au début du XXIème siècle révèlent une
transformation profonde des rapports sociaux en Afghanistan. Dès les années cinquante, l’évolution
des règles du sport traditionnel le buzkashi et l’intérêt pour les sports collectifs tels que le cricket ou
le volley-ball témoignent d’un regain d’intérêt pour les pratiques cérémoniales ancestrales,
associées à un partage d'émotions collectives. Alors que l’importance des influences transnationales
sur le sol afghan ne cesse de croître, le renouveau de ces pratiques rituelles est également à mettre
en regard avec l’essor d’un sentiment d’identité nationale transethnique. Plus récemment, la
floraison des salles de sport et de l’engouement de la jeunesse afghane pour le body-building sont,
eux-aussi, révélateurs de l’entrée dans une nouvelle ère du rapport au corps et à la représentation
de soi. Alors que les activités de musculation et l’exhibition du corps en général sont autant
d’attitudes contraires à l’éthique et aux valeurs traditionnelles afghanes, comment interpréter ce
renouveau des pratiques sportives ? Doit-on y voir un désir d’occidentalisation, de modernisation et
une démarche de distanciation et d’émancipation des valeurs coutumières ou, au contraire, une
réaffirmation de l’identité masculine et virile véhiculée par les assignations sociales et culturelles
traditionnelles ?
A travers une démarche d’anthropologie sociale, cette étude a pour objectif d’offrir des clés de
lectures nouvelles des transformations sociétales complexes à l'œuvre dans la société afghane
contemporaine. A partir de notes de terrain résultant de mes divers séjours en Afghanistan et de
contenu audiovisuel recueilli sur les réseaux sociaux depuis 2019, je tâcherai de mettre en évidence
et d’expliciter le paradoxe que constitue le rapport au sport et donc au corps dans la société afghane
et ce qu’il dit de son rapport à la modernité. Le corpus présenté est établi au gré des rencontres, des
expériences et des événements qui ont rythmé mon quotidien au sein de la population afghane ces
quatre dernières années. Sa diversité nécessitera parfois, selon les besoins, l’emploi d’outils
méthodologiques issus de l’analyse de la représentation et de l’ethnographie, donnant à ce travail
une approche multidisciplinaire.