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Communication Dans Un Congrès Année : 2023

Understanding urban and sustainable development policies through the presence of livestock in Moroccan and Indian cities

Aborder les politiques de développement urbain et durable à travers les animaux d’élevage dans les villes marocaines et indiennes

Résumé

Cette proposition de communication s’inscrit dans une perspective de géographie urbaine et sociale et dans un travail comparatif sur le Maroc et l’Inde. Je souhaite questionner comment la présence des animaux d’élevage est impactée par les politiques urbaines dans les quartiers périphériques de Tanger et Mumbai et ce que cela implique pour les citadins. Les villes indiennes et marocaines connaissent une forte croissance, économique et démographique, qui a des effets sur leurs morphologies (Cadène, 2015; Dumortier, 2017). Cela se traduit par un étalement urbain, favorisé par des ambitions politiques et des intérêts privés. L’étalement provoque la fragmentation des territoires forestiers, protégés ou non, et des terres agricoles en périphérie des villes (Laouina, 2019). Ces espaces n’échappent pas à l’appétit des promoteurs immobiliers et sont artificialisés pour établir des activités économiques ou du logement. Certains espaces agricoles sont englobés dans le tissu urbain et résistent malgré les pressions (Chaléard et al., 2016). C’est le cas à Mumbai avec le parc national Sanjay Gandhi, désormais inclus dans l’agglomération (Landy et al., 2014) et à Tanger avec la création de villes nouvelles en périphérie. Les politiques urbaines facilitent cette extension malgré des contradictions avec les objectifs de développement durable, au nom de la trop forte concentration des citadins et des activités dans les centres. Cela nourrit une reconfiguration socio-spatiale de la ville avec des espaces inégalement accessibles en fonction de la classe sociale ou de la caste. L’élevage urbain persiste dans de nombreux quartiers périphériques : vaches, moutons, chèvres, oiseaux... Cette activité, historiquement présente dans les villes, demeure un moyen de subsistance dans des quartiers où les services et les transports sont défaillants. L’élevage a plusieurs avantages : c’est une activité facilement abordable et les animaux (moutons, chèvres…) s’adaptent facilement au contexte urbain, en évoluant dans les rues, dans les friches. Les éleveurs n’ont donc pas nécessairement besoin de foncier pour leur activité. Ainsi, ils parviennent à résister au mouvement d’éviction engendré par la croissance urbaine (Heynen et al., 2006). De fait, l’élevage urbain est peu toléré par la sphère politique. Il s’agit en effet d’une activité informelle considérée comme une permanence du rural dans l’urbain (Berry-Chikhaoui, 2009; Cesaro & Apolloni, 2020). Cette présence s’oppose aux volontés modernisatrices des municipalités qui souhaitent renvoyer une image en conformité avec celles des villes européennes et du Golfe. Ainsi, des mesures sont prises pour limiter, voire interdire les activités d’élevage dans la ville. Il s’agit de limitations spatialement situées qui expriment une volonté de contrôle des espaces et de lutte contre l’informalité. Elles visent tout d’abord les quartiers les plus touristiques et internationalisés où la circulation des animaux est interdite. Les ânes et les cochons sont spécifiquement visés car évocateurs de la saleté, d’un manque de modernité (Estebanez, 2022). Les animaux d’élevage peuvent nous servir d’exemple privilégié pour illustrer des politiques urbaines néo-libérales qui favorisent la standardisation des espaces de la ville et certaines catégories de populations. Les animaux errants sont vus comme une nuisance et un potentiel vecteur de maladie. Les politiques ainsi menées vont emprunter au registre du néo-hygiénisme ou de la mise au propre de la ville (Cadène, 1991) pour encourager une éviction de ces animaux. Les discours dominants renvoient à l’absence d’animaux dans les villes globales qui servent de référence (Londres, Singapour, Dubai…). Cette vision imprègne les élites politiques ainsi que certaines catégories socio-économiques. L’éviction des animaux d’élevage des centres-villes témoigne des volontés politiques de métropolisation à travers la privatisation des espaces et la libéralisation de l’économie (Mareï et al., 2022; Wippel, 2022). Par ricochet, les populations qui sont liées à l’élevage sont considérées comme des intrus dans ces quartiers en pleine reconfiguration et perdent leurs capacités à agir sur leur territoire (Harvey, 2009). La cartographie des animaux d’élevage est révélatrice du processus de ségrégation à Mumbai et Tanger. Elle nous permet de lire la distribution des catégories populaires dans l’espace urbain. La géographie de ces villes est composée de plusieurs dimensions et de réalités qui coexistent. Il nous faut donc regarder la manière dont l’animal d’élevage peut se faire accepter dans le paysage urbain. Les exemples du mouton au Maroc et des vaches en Inde nous montrent l’affirmation de traditions religieuses par la sphère politique ainsi qu’une récupération pour favoriser certaines pratiques. Si le mouton fait partie d’un référentiel rural, symbolique des sociétés agraires marocaines traditionnelles, sa présence en ville dérange car il l’illustre justement dans le paysage urbain. Mais lors d’événements religieux tel que l’aïd, sa présence n’est pas remise en cause car il fait partie intégrante de l’économie de ce rituel structurant (Franck et al., 2015) de la vie religieuse des Marocains. Ainsi, pour les éleveurs de moutons, il s’agit d’une activité rémunératrice et durable. En Inde, c’est la vache qui est un outil du pouvoir nationaliste hindou. En effet, les élevages urbains de bovins sont davantage acceptés, même s’ils sont parfois informels. Les vaches peuvent déambuler dans les rues et bénéficier de l’attention des habitants. La pratique du don de nourriture aux vaches est répandue envers cet animal sacré. A l’inverse, les élevages de moutons ou de chèvres, pratiqués par les communautés musulmanes, sont progressivement évincés et se concentrent dans les quartiers de slums. Cette présence d’élevages pour des raisons politico-religieuses a des conséquences sur l’économie de la ville et explique aussi la présence de souks à animaux dans la ville. La vente d’animaux d’élevage pour une économie de rente ou un rituel se fait dans ces souks, acceptés des pouvoirs publics alors même qu’ils profitent des raisons sanitaires pour évincer certaines populations de la ville. En conclusion, la question des animaux d’élevage urbain soulève de nombreux paradoxes sur les politiques publiques en matière d’aménagement durable des villes. Pour le cas du Maroc et de l’Inde, nous voyons bien les tensions entre un mode de vie considéré comme rural et les volontés politiques de rendre leurs villes toujours plus modernes. Parallèlement, des volontés politiques d’affirmation religieuse et communautaire instrumentalisent la présence des animaux pour servir leurs causes. Les animaux urbains sont un moyen privilégié de rendre compte des effets de politiques environnementales contradictoires (Buller, 2014). Ils mettent aussi en lumière cette coexistence du formel et de l’informel en ville (Roy, 2005) dans des contextes politiques qui veulent affirmer leur capacité de contrôle sur le territoire.
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Citer

Noé Parot. Aborder les politiques de développement urbain et durable à travers les animaux d’élevage dans les villes marocaines et indiennes : Entre situations précaires et possibilités économiques, sociales et écologiques. La politique de développement durable au Maghreb, un gouvernement néolibéral des ressources naturelles ?, Centre Jacques Berque - Rabat; Institut national d'aménagement et d'urbanisme (Rabat); Institut de recherche sur le développement; Université Mohammed V de Rabat; Netherlands Institute of Morocco; Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique (Maroc), Oct 2023, Rabat, Maroc. ⟨hal-04265770⟩
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