A l’heure des réflexions menées autour de la nécessaire coordination d’une diversité d’acteurs pour la mise en œuvre de la transition agroécologique, cette étude propose d’étudier les collectifs d’agriculteurs organisés autour de filières territoriales comme un mode de coordination en rupture avec des structures organisationnelles de filières conventionnelles ver- rouillées freinant l’adoption de nouvelles pratiques dans les fermes. Plus particulièrement, cette étude s’intéresse aux interactions - marquées par des échanges de diverses ressources - existantes entre les membres de tels collectifs et aux rôles que ces relations jouent dans la gouvernance des filières territoriales à vocation agroécologique. Pour cela, nous proposons de mobiliser l’analyse de réseaux sociaux complets et de la coupler à une analyse de la gouvernance de filières inscrites dans des systèmes agroalimentaires localisés. Nous étudions dès lors, sur base de la reconstitution des systèmes d’interdépendances entre les membres des collectifs, les stratégies de création, de distribution et de sécurisation de la valeur au sein des filières territoriales. Dans cette étude, nous mettons en regard deux collectifs d’agriculteurs organisés autour de filières territoriales : le premier en vue d’approvisionner le marché demi-gros du légume biologique en Auvergne, le second en vue de créer une filière blé-farine-pain biologique dans la plaine de Limagne (63). A la suite d’un entretien exploratoire portant sur le fonctionnement général des deux collectifs, avec respectivement son président et son animatrice, de la lecture de documents administratifs disponibles et de l’observation de moments collectifs quand cela nous était permis, nous avons réalisé des entretiens structurés autour de question semi-directives et sociométriques auprès des 23 producteurs de légumes et des 8 producteurs de blé participants aux collectifs. Ces entretiens avaient pour objectif de repérer les relations interindividuelles entre les membres des collectifs au travers l’identification des ressources qu’ils échangent (conseil technique, prêt de matériel, coup de main à la ferme, conseil de commercialisation). Nous avons ensuite codé ces relations interindividuelles et les avons traitées sur R avec igraph pour l’analyse de données métriques et une visualisation graphique des réseaux. Enfin, sur la base d’une interprétation de ces résultats en termes de confiance, de réciprocité et d’engagement entre les membres des collectifs, nous avons analysé comment ces relations jouent un rôle dans les stratégies mises en œuvre pour assurer la création, la distribution et la sécurisation de la valeur au sein des filières territoriales. Les premiers résultats permettent d’ores et déjà d’observer deux structures de réseaux d’échanges de ressources différentes, entrainant deux stratégies de gouvernance de filière territoriale différentes. Leur mise en regard alimentera l’identification de leviers pour favoriser la mise en œuvre de filières territoriales porteuses de la transition agroécologique. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale portant plus généralement sur l’organisation collective des agriculteurs autour de filières territoriales, les rapports d’interdépendances que celle-ci engage et le ressort de ces interdépendances sur la mise en œuvre de la transition agroécologique