Dans le domaine sportif, les programmes de formation des entraîneurs sont structurés selon une alternance entre une formation en centre et un stage de mise en situation professionnelle en club (Trudel, Milestetd, & Culver, 2020). Toutefois, Lesellier et Escalié (2022) pointent la nécessité de repenser les conditions de l’articulation entre ces deux espace-temps des formations fédérales que sont les centres de formation et les clubs en termes d’alternance intégrative. La simulation apparaît alors comme une situation de formation à même d’opérationnaliser ce continuum. De plus, peu d’études documentent l’impact des activités de formation sur les activités réellement déployées par les entraîneurs dans leur contexte d’intervention (e.g., Isserte, 2022). Cette communication vise donc (a) à présenter une manière originale de penser théoriquement la simulation au sein d’un continuum de situations de formation d’entraîneurs sportifs et (b) à identifier des circonstances d’exploitation de la simulation permettant d’alimenter leur activité d’entraînement. L’étude support de cette communication examine un dispositif de formation d’entraîneurs à des usages de technologies numériques au service de l’apprentissage d’actions collectives par des joueurs de football. Ce dispositif a été conçu à partir d’une théorie de la formation déclinée d’un programme de recherche sur la formation professionnelle mené en anthropologie culturaliste (Chaliès, 2012). Il est structuré selon un continuum situationnel : (i) une situation initiale où le formateur enseigne ostensivement des expériences normatives situées (ENS) puis (ii) des situations aménagées où le formateur puis le tuteur accompagnement les entraîneurs dans leurs premiers suivis de ces ENS jusqu’à leur apprentissage. Quatre types d’activités de premiers suivis leur sont proposés : signifier, planifier, simuler et réaliser des activités d’entraînement. Le recours à la simulation se justifie notamment au regard de la complexité des ENS enseignées, ici mener des activités d’entraînement (enseigner, accompagner et évaluer) exploitant des technologies numériques pour faire apprendre aux joueurs une action collective. Cette situation de formation contribue spécifiquement à aménager une certaine progressivité dans la rencontre des entraîneurs avec la complexité des ENS (Carré, & Caspar, 2017). Plus en détail, deux situations de simulation ont été proposées dans le dispositif de formation étudié. La première a été supervisée par le formateur au centre de formation et s’est déroulée en présence des pairs. La seconde a été supervisée par le tuteur au sein du club de l’entraîneur. Les participants de l’étude sont un formateur, un tuteur et quatre entraîneurs novices volontaires engagés dans le Brevet d’Entraîneur de Football (BEF). Pour réaliser l’étude, deux catégories de données ont été recueillies puis retranscrites verbatim et traitées selon la procédure de Chaliès et Bertone (2021) : l’enregistrement vidéo des deux situations de simulation et les entretiens d’auto-confrontation des participants. Les résultats de l’étude identifient cinq principales circonstances d’exploitation de la simulation permettant d’alimenter les activités des entraîneurs en contexte d’intervention : (a) un briefing où le formateur et le tuteur simulent en quelque sorte l’activité d’entraînement attendue (i.e., mime, démonstration) avant que l’entraîneur ne s’engage lui-même dans la simulation ; (b) une simulation outillée par des technologies variées (e.g., scénarios d’entraînement proposés sous forme d’animations vidéo 3D, pions symbolisant les joueurs sur une plaquette d’entraînement) ; (c) une simulation guidée et débriefée par le formateur et le tuteur ; (d) une continuité et une articulation des activités du formateur et du tuteur en termes de contenus et d’outils (e.g., mobiliser un vocable commun, s’appuyer sur les mêmes vidéos, faire référence aux mémos) et (e) une progressivité entre les deux situations de simulation (i.e., un scénario de plus en plus complexe et contextualisé). Les enjeux du recours à la simulation pour former des entraîneurs sportifs sont finalement discutés à l’aune des activités des formateurs qui l’animent (Dangouloff, 2021) et des aménagements singuliers que cette situation de formation nécessite pour transformer l’activité professionnelle des participants (Chaliès & Lussi Borer, 2021).