La question de la productivité des suffixes déverbaux événementiels, à savoir, leur capacité à générer de nouvelles unités lexicales, est devenue l’objet de plusieurs recherches dans le domaine de la morphologie constructionnelle. Parmi les suffixes déverbaux construisant un nom d’événement, -ment est l’un des plus exploité. Mais peu de travaux expliquent les raisons linguistiques de sa productivité. C’est pourquoi nous en interrogeons les motivations, en étudiant, en premier lieu, les caractéristiques des bases verbales qu’il sélectionne. L’hypothèse sous-jacente est que la spécialisation du suffixe en faveur de bases verbales spécifiques pourrait constituer une « niche » morphologique expliquant sa dynamicité lexicale. Pour ce faire, nous avons constitué une base de données en ne sélectionnant que les nominalisations en -ment de faible fréquence (1à 10) pour être certain de recueillir une grand part des néologismes, témoins, à la fois de la productivité du suffixe et de la compétence actuelle des locuteurs puisque les dérivés n’ont pas encore subi les effets de la lexicalisation. Pour avoir une base de données fiable, nous avons procédé à un nettoyage manuel qui nous a permis de ne conserver, parmi les 2833 paires qui constituent notre base de données, que celles bien appariées. Le bilan de l’annotation révèle une quantité importantes de paires de lexèmes invalides (1594) et 1239 correctement construites. À partir de ces nominalisations néologiques (1239), nous avons étudié la spécificité du suffixe ment, ses préférences quant au verbe de base, en interrogeant en premier lieu leurs structures morphologiques puis leurs structures syntaxiques. Les premiers résultats révèlent que le suffixe -ment exploite, de préférence, les bases verbales construites morphologiquement et qu’il privilégie en priorité les verbes préfixés avant les bases morphologiquement simple ou converties. De plus, du point de la fréquence des verbes de base, le suffixe –ment semble choisir prioritairement les bases verbales qui n’ont pas encore fait l’objet d’une nominalisation (1206) Cela peut, en outre, constituer une preuve de la productivité de -ment. Sur le plan de la valence des verbes de base, -ment s’applique, de préférence, à des verbes bivalents (transitifs ), contrairement à ce qui a été avancé dans la littérature linguistique dans laquelle on soutient que -ment privilégie les verbes intransitifs (Dubois (1962).