Face à une exigence d’équité quant à l’accès aux connaissances sur la problématique des changements globaux, la nécessité de pouvoir accéder à des données géographiques est devenue un enjeu majeur qui rencontre une forte demande sociétale. Qu’elles soient supports de cartographie pour organiser l’espace, éléments de prise de décision publique, exploitées dans le cadre de controverses, réutilisées au sein d’études d’impact ou de processus de consultation, ces informations géographiques sont mobilisées dans des contextes de plus en plus diversifiés. La convergence entre les pratiques de numérisation des données publiques et leur mise en ligne sur le web ainsi que l’existence de différents cadres institutionnels et juridiques favorables à l’accès à l’information laissent à penser que les accès à la donnée géographique ainsi que sa disponibilité s’accentuent et se diversifient. L’objectif de cette communication est de présenter une démarche méthodologique reproductible ayant fait l’objet d’une expérimentation dans le domaine de politiques publiques en lien avec la gestion du littoral dans des contextes territoriaux et sociopolitiques différenciés (Bretagne en France et Québec au Canada). Nous y présenterons une réflexion à l’intersection des humanités numériques, des sciences de l’information géographique et de la géographie environnementale. La communication permettra d’évoquer une problématique encore peu appréhendée en géographie sur les mécanismes sous-jacents à l’accès et à la disponibilité de l’information géographique numérique véhiculée par des infrastructures de données institutionnelles sur le web (IDG, plateformes de données ouvertes, interfaces de programmation, etc.). Si les discours performatifs sur la mise à disposition des données publiques sont croissants, la question de leur disponibilité réelle demeure sous-évaluée dans les travaux récents en géographie. Le « phénomène de massification et de diversification des données géographiques disponibles sur Internet » (N. Pinède et al., 2017) lié à l’émergence d’un géoweb de plus en plus ancré dans le paysage de la donnée (T. Joliveau et al., 2017), a pour manifestation la plus visible une prolifération des représentations numériques et des interfaces graphiques. Si les données sont considérées comme la matière première dans la construction de l’information et des connaissances, elles sont aussi révélatrices des logiques instrumentales et des enjeux de pouvoir entre les acteurs impliqués dans le processus informationnel (A. Iliadis & F. Russo, 2016). Alors qu’une grande part des travaux récents sur l’accès à l’information géographique côtière se sont focalisés sur l’aspect des attentes des utilisateurs, sur les usages des IDG et sur la mobilisation des représentations de la donnée (I. Le Berre et al., 2013 ; J. Georis Creuseveau, 2014 ; L. Ritschard, 2017), ce travail se positionne en amont des processus d’utilisation de la donnée. Pour ce faire nous avons sélectionné un corpus d’infrastructures de données en France (n=48) et au Québec (n=23) afin d’en analyser l’architecture et les contenus. Dans un premier temps, nous avons exploré les conditions structurelles de l’accès à l’information géographique numérique institutionnelle dans l’écosystème informationnel qu’est le web à l’aide de l’usage d’un « web crawler » développé par le Science Po Médialab (Hyphe). Cette étape permet de décrire d’un point de vue statistique et thématique le positionnement d’infrastructures de données dédiées aux territoires côtiers dans le web de la donnée géographique publique. Dans un second temps, nous rendons compte de la disponibilité réelle de la donnée géographique à l’aune des traces numériques renseignées par les « produsers » (N.R Budhathoki et al., 2008) dans les métadonnées cataloguées sur plusieurs infrastructures de données. A l’aide d’une analyse lexicométrique sur un corpus de textes stratégiques relatifs aux enjeux de gestion du littoral, nous avons extrait un « patrimoine géoinformationnel » de métadonnées (C. Caron et al., 2004). Celui-ci nous renseigne sur les conditions de production et de circulation des données géographiques cataloguées sur des IDG et des plateformes de données ouvertes en France et au Canada. L’étude des différents éléments de l’architecture des dispositifs de données publiques fait apparaître des structures très hétérogènes et peu ouvertes sur l’extérieur : distributions des composants hypertextuels dissymétriques, indicateurs de dispersion relative élevés, peu de liens hypertextes pointant vers des sources de données externes. Malgré une standardisation croissante offerte par les services web, la mise en réseau des infrastructures des données demeure également partielle (J. Desbonnet et al., 2019). L’analyse des patrimoines de métadonnées français et québécois permet de mettre en lumière des situations d’asymétrie importante dans la couverture organisationnelle, thématique et territoriale des données géographiques qui circulent sur les dispositifs institutionnels publics français et québécois. Nous conclurons sur le contraste entre le positionnement actuel des dispositifs publics numériques français caractérisés par un éparpillement des possibilités de consultation et l’écosystème canadien et québécois caractérisé par une situation de rareté de la donnée géographique numérique sur les territoires littoraux. La communication sera également l’occasion d’opérer un retour réflexif sur les pratiques en lien avec les méthodes de recherche numériques.