Le Néolithique voit la domestication de l'Orge au Proche-Orient et sa diffusion progressive jusque dans l'ouest du Bassin Méditerranéen. Elle y représente depuis une céréale majeure des systèmes agraires. Deux sous-espèces coexistent, Orge à 2 rangs (H. v. subsp.distichum) et à 6 rangs (H. v. subsp.vulgare), subdivisées en formes nues et vêtues, en lien avec des usages et caractéristiques agronomiques variés. Les dynamiques passées de cette diversité sont peu connues car les approches paléogénétiques qui permettraient de les appréhender sont fortement limitées par la carbonisation qui, tout en assurant la conservation de la plupart des grains archéologiques, détruit l’ADN. L’essor de la morphométrie géométrique en bioarchéologie procure cependant une série d’outils applicables à grande échelle pour décrire et étudier quantitativement la diversité de l’Orge au cours du temps. Cette étude a pour but (1) de comparer les diversités passée et actuelle de l’Orge, (2) d’en documenter la diversité depuis le Néolithique dans le Sud de la France et le Nord-Est de l’Espagne, (3) d’envisager des relations entre les dynamiques de cette diversité et des évolutions socioéconomiques, culturelles et environnementales. Cette étude repose sur la création d’un référentiel de 85 variétés actuelles carbonisées en laboratoire. Les vues latérale et ventrale de 3347 grains ont été photographiées, puis des Transformées Elliptiques de Fourier ont été calculées à partir des contours de ces grains. Les résultats morphométriques indiquent que, malgré les déformations induites par la carbonisation, la diversité de l’orge peut être documentée par l’analyse des variables de taille, de conformation et de forme des caryopses. Ces résultats ont ensuite permis de s’intéresser aux orges archéologiques. Pour cela, 11633 caryopses archéologiques provenant de 103 sites ont été pris en photo puis analysés. Les résultats montrent que le Néolithique semble se séparer des autres phases chronologiques par les tailles et formes des grains. En effet, on note une diminution durant cette période de leurs longueurs, largeurs et épaisseurs alors que ces variables augmentent depuis la fin du Néolithique jusqu’à l’actuel. Enfin la morphométrie a permis de documenter des différences de taille et de forme entre sites au cours de certaines phases chronologiques qui peuvent s’expliquer de manière multifactorielle. Ces résultats soulèvent des questions sur les dynamiques de la diversité au cours du temps en lien avec des variations climatiques, des différences de terroirs, des pratiques agricoles dont la sélection agronomique, et les choix culturels des populations. Cette étude fait partie du projet DEMETER (ERC Starting Grant #852573, 2020-2025, PI A. Evin) qui a pour but de caractériser l’évolution des espèces domestiques dans le Nord-Ouest du Bassin Méditerranéen Occidental du Néolithique à nos jours, et d’identifier les facteurs culturels, socioéconomiques et environnementaux ayant façonné cette agrobiodiversité et son évolution.