La Modernisation Ecologique (ME) est un terme employé au sein de la littérature en sociologie environnementale et en sciences politiques pour désigner une certaine conception des politiques environnementale qui devient hégémonique au sein des institutions européennes au cours des années 1990-2000 (Béal, 2016). Cette dernière peut être conceptualisée comme une idéologie résultant d’une stratégie de réconciliation des critiques environnementales radicales des années 1960-1970, et des réformes néolibérales des années 1980 (van der Heijden, 2010 ; Weale, 1992). Elle se caractérise notamment par : une individualisation de la responsabilité environnementale, le fait de considérer les innovations scientifiques et technologiques comme solutions principales à la crise environnementale, et à la possibilité et à la nécessité d’une croissance et d’un capitalisme « verts » (Hajer, 1995). Au cours de précédentes études corrélationnelles (Ntotal = 605) nos résultats ont montré qu’il était possible que la ME joue le rôle d’une idéologie légitimatrice de l’ordre social à un niveau psychologique, en tant qu’elle permet, à la fois, de reconnaitre l’existence des problèmes environnementaux, et, d’avancer que les systèmes socio-économiques actuels ont la capacité de les prendre en charge sans subir de modifications fondamentales. Au cours de cette communication, nous nous intéresserons plus spécifiquement à deux études quasi-expérimentales portant sur la normativité de la ME. L’objectif étant d’étudier si le caractère supposément hégémonique de la ME se traduit effectivement par une valorisation sociale de ses croyances au sein de la population générale. Pour cela, nous avons mobilisé l’approche socio-cognitive des normes (Dubois, 2002) en articulation avec la théorie de la justification du système (Jost, 2019). La première étude (N = 119), qui mobilise le paradigme d’auto-présentation, montre que les croyances relatives à l’individualisation de la responsabilité, et au rôle de la science et de la technologie, sont jugées socialement désirables par les participants. L’inverse est observé pour les croyances portant sur la croissance et le capitalisme « verts », où il apparait que ce soit plutôt une position de neutralité à leur égard qui soit jugée désirable. La deuxième étude (N = 123), qui mobilise le paradigme des juges, montre qu’une cible affichant une forte adhésion à la ME est jugée plus désirable socialement, mais n’est pas jugée plus utile, qu’une cible adhérant faiblement à la ME. En revanche, chez les individus qui justifient le système économique, la cible adhérant fortement à la ME est jugée d’autant plus utile socialement et la cible adhérant faiblement à la ME est jugée d’autant moins désirable. En conclusion, nos résultats corroborent l’existence d’enjeux normatifs autour de la ME. Nous discuterons du rôle de cette valorisation sociale dans le maintien des systèmes socio-économiques actuels.