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Traduction Année : 2022

Sur l'intérêt de la controverse française sur l'autisme pour la psychanalyse (autour du travail de Céline Borelle)

Résumé

La prise en charge de l'autisme, en France, est l'objet de controverses remarquables en ceci que leur aspect épistémologique communique de façon directe avec une dimension sociologique. Leur violence, ou du moins la forme qu'elle prend dans la conscience des acteurs, repose sur le caractère tranché de l'opposition suivante. D'un côté, des psychiatres universitaires et des psychologues d'inspiration comportementaliste, liés au milieu de la recherche internationale (mais qui ne sont nullement des chercheurs de pointe connus du grand public), se scandalisent, le mot n'est pas trop fort, de l'anomalie qu'est la persistance en France de prises en charge « plus ou moins psychanalytiques » (ou psychodynamique) des autistes, pour lesquels il préfère d'ailleurs adopter la terminologie en vigueur de personnes atteintes de « troubles envahissants du développement ». Selon une mécanique bien connue en sociologie de la médecine, ils sont soutenus dans leurs revendications d'éradiquer la psychanalyse dans les soins aux autistes par des associations de parents d'autistes qui ont également recours à eux en tant qu'experts, loi parfois de soignants. Longtemps, une technique prétendument thérapeutique dont il existe diverses justifications psychanalytiques circonstanciées a excité leur colère : l'enveloppement thérapeutique humide, qu'on appelle aussi en français packing. Il consiste à envelopper des autistes extrêmement agités dans des draps que l'on mouille progressivement avec de l'eau tiède induisant par resserrement une contention progressive et, censément, un apaisement. Cette stratégie est mise en place plutôt que d'utiliser des injections de tranquillisants, la pédopsychiatrie en France étant massivement résistante à l'utilisation de drogues puissantes avec les enfants. Le packing a fait l'objet de dénonciations virulentes, au point d'être présenté comme une torture. Le retard français dans l'implémentation des « méthodes qui marchent » (ABA, TEACCH, etc.) est fustigé jusqu'au Parlement. En face d'eux, une importante communauté de psychiatres n'exerçant pas ou rarement dans les services hospitalouniversitaires, mais plutôt dans les nombreuses institutions publiques ou semi-publiques qui maillent le territoire et où sont reçus tous les enfants en souffrance, ainsi que des psychologuespsychanalystes travaillant dans de telles institutions et enfin des psychanalystes d'exercice privé, se scandalisent en sens contraire des théories et des pratiques de leurs adversaires. Ces derniers sont accusés pêle-mêle de surestimer la valeur de leurs conceptions scientifiques de l'autisme et, faute de pouvoir en fait proposer mieux, d'emballer dans des justifications scientistes des procédés de « dressage » qui non seulement n'ont aucune prétention à guérir l'autisme (l'autisme est tenu pour une condition neurobiologique incurable), mais de manquer de respect à la « subjectivité » des patients. Or il s'est passé ces dernières années un phénomène remarquable. Longtemps, les seules associations de parents d'autistes dont on entendait la voix se plaignaient des prises en charges habituelles, assurément marquées dans le service public français par la psychanalyse. (Et de nombreux travaux d'enquête biographique sur les familles ont d'ailleurs bien documenté que l'accusation contre les mères était et reste encore une réponse banale et, bien sûr très mal perçue, dans ce type de prise en charge.) Mais depuis une dizaine d'années, montent en puissance des associations de parents très attachés à des formes de soins marquées par la psychanalyse, qui se refusent à appliquer des techniques qu'elles considèrent elles aussi comme du « dressage ». Elles mettent l'accent sur le libre choix du thérapeute par les familles, surtout quand ce thérapeute accepte des engagements au long cours très personnalisés. La capacité de ces dernières à se faire entendre est loin de rivaliser avec la puissance des associations de parents d'autistes violemment hostiles à la psychanalyse-mais elle n'est pas nulle, et pèse d'un certain poids sur la structure politique ou administrative qui, en France, au niveau local comme au niveau national, contrôle le système sanitaire. En effet, il est difficile de s'opposer à des protestations qui s'élèvent en France au nom du respect de la personnalité des individus, du libre choix des thérapeutes, et de l'autonomie des familles eu égard aux soins qu'elles demandent pour les enfantsmême au nom de la science, ou du consensus international sur les « méthodes qui marchent ». Pour compliquer encore le tout,
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03918159 , version 1 (01-12-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03918159 , version 1

Citer

Pierre-Henri Castel. Sur l'intérêt de la controverse française sur l'autisme pour la psychanalyse (autour du travail de Céline Borelle). 2022. ⟨hal-03918159⟩
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