Le corps des enseignantes et des enseignants participe à l’action pédagogique comme la recherche en éducation a pu le montrer dès les années 1970 (de Landsheere & Delchambre, 1979 ; Grant, 1977 ; Pujade-Renaud, 1983). Outre l’intérêt de la gestuelle pour l’agir professoral de l’enseignante et de l’enseignant (Cicurel, 2011), plusieurs travaux ont également mis au jour l’intérêt de la gestuelle pédagogique pour l’apprentissage des mathématiques, par exemple (Hynes-Berry et al., 2018) ou encore pour la compréhension (Sime, 2006 ; Sueyoshi & Hardison, 2005 ; Tellier, 2008a) et la mémorisation en langue étrangère (Macedonia & Klimesch, 2014; Tellier, 2008b). Les enseignantes et les enseignants ont donc tout intérêt à explorer ce précieux outil pédagogique qu’est leur corps tant pour capter l’attention des élèves que pour poursuivre leur multi-agenda (Bucheton & Soulé, 2009) et renforcer les apprentissages. Mais cela est-il si simple ? Les novices qui entrent dans leur salle de classe pour la première fois, bien préparés à gérer les élèves et avec une séance bien planifiée, peuvent néanmoins vivre un véritable choc face au constat qu’ils ne savent que faire de leur corps dans cette classe, comme l’évoque Cusset (2013). Que se passe-t-il alors dans ce corps impréparé à jouer son rôle ? Et comment apprend-on progressivement à lui donner une place dans classe, en somme, à le scénariser ? Telles sont les questions auxquelles ce chapitre tentera de répondre en s’appuyant à la fois sur des corpus audiovisuels mettant en scène des enseignantes et des enseignants novices, des observations faites dans de précédentes études ainsi qu’un ensemble de corpus présentant un enseignant à deux moments de sa carrière (lors de sa formation initiale et après 8 ans d’expérience). Nous nous focaliserons sur le contexte de l’enseignement des langues vivantes, mais notre propos sera transférable à l’enseignement d’autres disciplines.