Man on the moon, de Milos Forman Portrait du stand-up comedian en martyr Le film de Milos Forman, sorti en 1999, retrace le parcours controversé du comique Andy Kaufman, passé maître dans l'élaboration d'un amateurisme soigneusement orchestré et l'instauration d'une modalité ambiguë, entre légèreté et gravité, provoquant le rire mais aussi le malaise d'un public sans cesse sommé de réévaluer le degré de sérieux du spectacle qu'il a sous les yeux. Le récit, loin d'obéir à une structure définie, donne ainsi le sentiment de pouvoir sans cesse déraper, dérailler-reproduisant une ambivalence déjà présente dans les sketches d'Andy Kaufman et intégrant, suivant les codes de la « performance » improvisée, la possibilité du ratage. Loin d'être un biopic traditionnel, incorporant par inter-valles des sketchs comiques courts à une structure cohérente, et apportant une réponse nette aux ambiguïtés du personnage dont il s'inspire, le film s'adapte et se laisse envahir par la persona complexe de son sujet. L'intégration de sketchs courts vient ici sans cesse déconstruire et recomposer la forme filmique, brouillant les frontières entre réel et fiction, et mêlant les registres et les modalités. L'irruption, dans la forme close d'un long métrage de fiction, d'épisodes comiques récurrents, perturbe la structure du film et est l'occasion de jeux avec les codes de mise en scène et les types d'adresse (prise à partie du spectateur, regards caméras, intégration de commentaires métatextuels sur le film). L'hybridation de deux genres, le biopic cinématographique et le sketch comique, vient ainsi troubler le spectateur, orchestrant la confusion et la porosité des niveaux narratifs, la perturbation des modalités d'adhésion devant le personnage, et l'équivocité des registres-jusqu'à la mise en scène par le comique de sa propre mort.