Francis Galton (1822-1911) était un scientifique amateur : voyageur, statisticien, météorologue, mais sa véritable passion scientifique était les lois de l'hérédité ; en 1869, il a publié un livre intitulé Hereditary Genius. C'est lui qui, en 1883, a introduit le terme « eugénisme » pour décrire la théorie de l’« amélioration de la race humaine ». Cette théorie, aux ambitions scientifiques, a produit comme instrument la photographie composite, qui, selon Galton, permettrait d'identifier le type idéal de criminel (mais aussi de tuberculeux, d'homosexuel, de juif, etc.), et donc de détecter les criminels potentiels : le voleur, violent ou non, le meurtrier, etc. Galton ne s'est pas rendu compte que la tradition des formes idéales du classicisme, sans parler de la physiognomonie, s'était insidieusement glissée dans sa théorie scientifique ; il n'a pas réalisé à quel point sa théorie était fondée sur des jugements esthétiques (stéréotypes) qu'il partageait avec son époque, et à quel point elle participait à la normalisation esthétique de la société du XIXe siècle. L'article passe en revue les questions épistémologiques et esthétiques soulevées par la photographie composite et réfléchit à sa place dans l'histoire des idées et dans l'histoire de l'art du XXe siècle. Les portraits composites de Galton ont exercé une influence importante sur la pensée de Ludwig Wittgenstein. – Écrit en 2002, l’article est ici publié dans sa version initiale, plus longue que celle publiée en 2003 dans Revue d’esthétique, et la mise à jour se limite à donner en notes quelques publications plus récentes de l’auteur sur le même sujet.