Compte Rendu. GRISWARD, Joël, Archéologie de l’épopée médiévale. Via Domitia 29 1983 - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue (Compte-Rendu De Lecture) Via Domitia Année : 1983

Compte Rendu. GRISWARD, Joël, Archéologie de l’épopée médiévale. Via Domitia 29 1983

Résumé

Ah, le bon, l'excellent livre ! De l'avoir lu, on se sait plus intelligent : je veux dire qu'il rend intelligible au lecteur plusieurs scènes des Narbonnais (en particulier) dont la beauté était réelle mais, jusqu'à M. G., totale l'incohérence. On se souvient ainsi qu' Aymé ri de Narbonne, ayant déshérité ses six aînés au profit de leur plus jeune frère, leur attribue en compensation des charges ou des terres, avec ce trait saillant toutefois qu'il n'a aucun droit sur aucune d'entre elles : ainsi la dignité de sénéchal à la cour de Charlemagne, ou même la royauté de Gascogne. S'appuyant sur les travaux de M. Dumézil, M. G. décèle sous ce passage de la chanson de geste, et un Partage du Monde, et les Trois Fonctions dans la répartition des fonctions sociales entre les Aymerides. Tel Yayati l'Indien, le vieux maître de Narbonne organise la terre dans ses divisions ethniques, et la société dans ses divisions fonctionnelles, et ce faisant, il se «conforme à un type très ancien, très vraisemblablement indo-européen». L'ouvrage entier de M. G. poursuit dans cette voie, avec des bonheurs de découverte tout à fait notables : mentionnons sa réhabilitation si heureuse des Nerbonesi, texte tardif, texte étranger, et donc longtemps méprisé des médiévistes, mais qui, M. G. le montre clairement, fait appel à des traditions parfois mieux conservées que celles de nos chansons de geste. Notons encore au passage l'explication, très probablement définitive, que M. G. donne du personnage d'Hernaut le Roux : on a plaisir à voir ainsi légitimé dans son rôle d'Aymeride ce personnage, comique par plus d'un aspect, et qu'on avait donc pu réputer rapporté. Brillants commentaires encore sur le nom d'Aïmer le Chétif : non pas le Prisonnier, comme on l'assurait sans preuve, mais quel que chose comme «le misérable», voire «le maudit», il faut en convenir après avoir lu M. G. Etourdissante analyse enfin du caractère de Blancheflor, dont M. G. prouve qu'initialement elle fut la seule fille qu'avait Aymeri, et qu'elle était fonctionnellement vouée à être une fort grande putain, ce dont témoignent plusieurs textes, certes, mais sans que jusque là on ait bien compris quelle nécessité il y avait... Les reproches qu'on fera à ce livre s'adresseront moins aux brillantes élucidations de M. G., je le crains, qu'à la théorie des trois fonctions et à son auteur : lequel y répond par avance dans la Préface. Pour nous, peut-être aurions-nous souhaité que dans un cycle où Narbonne est conçue comme le centre du monde, fût plus nettement soulignée l'occitanité fondamentale de plusieurs détails : et le choix nécessaire de la Gascogne pour Beuve ; et le fait que ce dernier, dans sa sagesse, n’accepte de succéder à Yon que sous réserve que «la dame l’oltroye»... Mais à vrai dire, le propos de M. G. n’était pas de reprendre le problème des origines, provençales ou non, de l’épopée. Il était de mettre en lumière des structures trifonctionnelles dans le cycle de Guil­laume d’Orange, et son but est parfaitement atteint, grâce à un maître-livre, et qui restera.
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  • HAL Id : hal-03265073 , version 1

Citer

Jean-Claude Dinguirard. Compte Rendu. GRISWARD, Joël, Archéologie de l’épopée médiévale. Via Domitia 29 1983. Via Domitia, 1983. ⟨hal-03265073⟩
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