CHAOUI Bernadette REY MIMOSO-RUIZ CERES Institut catholique de Toulouse
Résumé
Universitaire, Mokhtar Chaoui appartient à la nouvelle génération d'intellectuels marocains d'expression française entrés en littérature. Son premier roman, Permettez-moi madame de vous répudier 1 (2008) a suscité bien des remous en dressant un portrait sans concessions de l'université au Maroc ; le dernier à ce jour, Le Silence blanc 2 , dédié « À l'enfance violée », soulève le sort réservé aux petites bonnes qui perdure, en dépit des dispositions juridiques. Si Mohamed Choukri avait en son temps tracé le tragique des enfants des rues dans Le pain nu 3 , les avancées techniques et l'entrée du Maroc dans l'ère moderne auraient pu laisser croire à des changements que seules les lois promulguées manifestent, sans qu'une véritable amélioration soit constatée sur le terrain. Par ailleurs l'exemple en 2001 de Nabil Ayouch qui mit en images la violence subie par les enfants errants à Casablanca 4 est éloquent. Mokhtar Chaoui, quant à lui, porte la parole d'une petite fille, Choumicha, née dans un douar perdu dans la montagne, vendue par son père comme bonne à une femme riche qui la traite en esclave et souffre-douleur. Mais si le cinéaste suivait pas à pas la tragédie du jeune Ali dans sa quête impossible de l'île « aux deux soleils », Mokhtar Chaoui prête sa plume aux pensées de la fillette, qui s'exprime avec son langage, découvrant la violence, l'hypocrisie, l'infamie des adultes, tout en rêvant d'amour et de tendresse. En parallèle à la détresse de la misère, s'élève celle d'un vieil artiste français, détresse de luxe de celui qui a tout eu, mais a perdu jusqu'au goût de vivre et s'exile dans cet ailleurs mythique de l'imaginaire européen : Tanger. Un roman à deux voix qui alternent d'un chapitre à l'autre pour mieux se rejoindre dans l'implacable « grognement du silence blanc ». Cependant, pour ne rien cacher du réel, le roman n'appartient pas uniquement dans sa crudité à la veine quasi naturaliste, mais se colore d'extraordinaire, de philosophie, dans un renouveau du réalisme merveilleux 5 où transparaît l'héritage de l'oralité, de Kalila wa Dimna et des idées rousseauistes.
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