Sans prévoir formellement « la fin de l’école » (Daguet, 2018), les travaux de recherche concernant l’impact du numérique en éducation s’intéressent de plus en plus aux espaces d’apprentissage qui transcendent les murs de la classe et interrogent les nouvelles modalités d’apprentissage. Qu’il s’agisse des dispositifs de classe inversée, des NEA ou « Nouveaux espaces d’apprentissages » (IFE, 2018), des « territoires apprenants » (Taddéi, 2016), des « school labs » et autres « tiers-lieux » (Liefooghe, 2018) pour apprendre en dehors de l’école, l’espace-temps de l’apprendre semble se dilater, se reconfigurer et se redéfinir. Pour certains auteurs (Mabilon-Beaufils, Durpaire, 2017), la forme scolaire est dépassée : à l’ère d’Internet et du « savoir-relation », il faut repenser les fondements même de l’école, à commencer par son architecture qui détermine en grande partie l’organisation et le fonctionnement de l’espace scolaire. Pour d’autres auteurs (Jacob, 2007 et 2011 ; Devauchelle, 2013), le numérique transforme les lieux de savoirs mais n’abolit pas l’école. Les espaces pour apprendre nécessitent simplement d’être reconfigurés et réorganisés, en créant par exemple des learning centers ou en les complétant par des espaces virtuels d’apprentissage (MOOC ou autres types de cours à distance). Cette communication vise à questionner ces « nouveaux territoires de l’apprendre » en dépassant la dualité habituelle entre adaptation du numérique à l’école et/ou adaptation de l’école au numérique. Il s’agit plus fondamentalement d’étudier la question de savoir si, à l’heure d’Internet et des technologies numériques, l’école peut encore faire lieu. Notre hypothèse est que l’école ne disparaît pas en tant que lieu de transmission et d’appropriation des savoirs. Pour répondre à ce questionnement, nous nous appuyons sur une revue assez exhaustive de la littérature concernant le rôle de l’espace dans les apprentissages. Nous cherchons en particulier à discuter, dans une perspective croisant géographie et sciences de l’éducation, la notion de « territoire apprenant » en essayant d’en interroger les fondements et d’en montrer les limites conceptuelles. Le corpus analysé rassemble des textes et des rapports produits par des membres impliqués dans le pilotage du système éducatif français (responsables institutionnels) mais aussi des rapport d’experts, des retours d’expérimentation d’enseignants ou de formateurs qui travaillent sur les notions de « territoire apprenant » et d’« organisation apprenante ». Ces textes, intégrés dans un logiciel d’analyse sémantique, font l’objet d’une analyse comparée permettant d’en dégager des univers de sens et des arrière-plans conceptuels et idéologiques. Dans cette communication, nous essaierons de montrer, qu’au-delà des résistances de la forme scolaire (Genevois, Hamon, 2018), la notion de « territoire apprenant » interroge les questions de continuités et de discontinuités des apprentissages, les catégories du présentiel et du distant, mais aussi de l’ici et de l’ailleurs, du proche et du différé. Face à un risque de désynchronisation des espaces et des temps, les technologies numériques sont susceptibles de produire des formes de resynchronisation de l’espace-temps scolaire et de donner lieu à ce que nous avons appelé une « école étendue » (Genevois et Poyet, 2010 et 2012) marquée par une continuité des apprentissages dans et hors de l’établissement. C’est dans cet entre-deux fécond et dans ces interstices que l’on doit interroger les nouveaux paradigmes et les nouveaux territoires de l’apprendre. Voir le diaporama : https://www.unige.ch/didactiquesHGC2019/files/6315/7407/3128/PPT_Genevois_comm.pdf