Dans le cadre d’un modèle interprétatif en cours d’élaboration sur la région de Carnac (Morbihan), en recherche des contextes les moins « affectés » par la nébuleuse Carnacoise (en termes de restaurations, pression médiatique, gestion administrative des sites), les configurations de stèles submergées sont apparues comme un champ d’investigation essentiel. Débuté avec la découverte de l’alignement de Kerdual, conservé sous la mer entre Carnac et La Trinité-sur-Mer, ce programme tente de réunir différentes compétences nous permettant de trouver et d’enregistrer de nouvelles données. Après un relevé des stèles sur le platier de Kerbougnec (Saint-Pierre-Quiberon), puis leur publication en 2003, les premiers essais de détection géophysique des monolithes au-delà de la limite des plus basses mers ont été menés en juin 2005, avec l’emploi d’un sonar à balayage latéral (coll. A. Lorin). L’expérience sera répétée en mai 2007 avec un autre instrument à plus basse fréquence et sur d’autres secteurs de la Baie de Quiberon (A. Baltzer, D. Menier). Puis la récolte fortuite, en août 2007, de deux couples de lames de haches polies en jadéitite alpine, plantées dans une vase argileuse sur l’estran de Porh Fetan, dit du Petit Rohu (entre Quiberon et St-P.-Quiberon), accentue de façon spectaculaire l’importance stratégique du secteur géographique en question. Une autorisation est alors sollicitée par le SRA de Bretagne (Rennes) pour le Laboratoire de recherches archéologiques (UMR 6566, Nantes) auprès de la DRASSM (Marseille,) en vue d’une opérationd’archéologie sous-marine et terrestre. Une première mission, menée à l’occasion des grandes marées de septembre 2007, entraîne la découverte sur site d’un ouvrage de stèles submergé. Le contexte environnemental permet d’avancer que les lames de haches furent enfouies dans un milieu marécageux, développé derrière un cordon dunaire, au pied d’un affleurement rocheux remarquable, le rivage devant être éloigné de quelque 500 m au milieu du V e millénaire av. J.-C, date relative proposée pour le rassemblement de ces objets. Une prospection par sonar latéral et plongées diverses, autorisée par le DRASSM en 2008, est menée à partir du navire CNRS Côte d’Aquitaine, en collaboration avec A. Baltzer, sur plusieurs anomalies signalées par les ostréiculteurs au nord de la Baie de Quiberon ; elles ne reflètent cependant que des formations naturelles, ou des blocs détectés à une telle profondeur (-10 m) qu’il est impossible de les dater du Néolithique. Sur Kerbougnec, les photographies prises à l’occasion de cette mission dans un milieu à médiocre visibilité ne permettent pas de conclure sur l’état des roches repérées. Aucune corrélation positive ne peut être faite avec les anomalies sonar. En juillet 2008, un carottage en Baie de Quiberon depuis le Marion Dufresne (programmes Baltzer, Menier), effectué dans le cadre d’une reconstitution de l’évolution du paléoenvironnement Holocène sudarmoricain (sédimentologie, foraminifères, malacologie, C14…) permet d’intégrer les données C14 et altimétriques fournies par les tourbes du site du Petit Rohu, ainsi que celles précédemment obtenues à Kerbougnec et Kerpenhir (Locmariaquer), un nouvel ouvrage de stèles submergé étant de surcroît découvert sur ce dernier emplacement. La campagne menée tout au long de l’année 2009 s’est fixée comme objectif de renouveler et de compléter la prospection par balayages sonar, en revenant notamment sur la structure architecturale attestée à Porh Fetan en 2007, afin d’établir les « signatures » propres aux monolithes archéologiques. En se fondant sur cette expérience, les images obtenues des différents sonars nous ont servi à constituer un corpus d’anomalies géoréférencées, aussi bien au niveau du Petit Rohu que de l’Ours de Kerbougnec. À partir de cette trame, une série de plongées en scaphandre autonome a permis de corréler les anomalies enregistrées par les sonogrammes à la réalité du fond marin, une adéquation remarquable étant notée entre les cibles théoriques et les monolithes trouvés en prospection. Puis, certains blocs ont été nettoyés de leur gangue végétale, afin de les observer et d’en établir une première couverture photographique. Plusieurs points d’ancrages, mesurés au GPS, ont calé l’ensemble afin de restituer les données terrain au sein d’un système d’information géographique (SIG), ce qui autorise un retour aux sonogrammes en vue d’une nouvelle confrontation critique. 150 monolithes inédits ont été détectés à Kerbougnec, 20 au Petit Rohu. Plusieurs types d’arguments convergent pour accréditer l’état anthropique du site, et pour confirmer le prolongement sous-marin du grand ouvrage néolithique restauré 600 m à l’ouest, sur le site du Moulin (Saint-Pierre-Quiberon).