A travers l’exemple des mondes du trad, ensemble de pratiques essentiellement musicales et chorégraphiques issues du revivalisme folk des années 1970, cette communication se propose de questionner les liens entre pratiques culturelles et artistiques et dynamiques territoriales. Dans l’esprit de la géographie culturelle, il s’agit d’interroger la dimension vécue et performative de ces pratiques dites de tradition, qui se proposent de régénérer les modes, les codes, les situations, les techniques instrumentales et du corps de pratiques pensées comme héritées d’une société plus ancienne (rurale, préindustrielle), sur leurs espaces d’inscription ou de référence. Il s’agira donc de voir comment l’analyse de ces pratiques culturelles, artistiques, sociales actuelles permettent d’actualiser voire de redéfinir les catégories par lesquelles nous percevons et nous analysons l’espace. En ce sens, les mondes du trad semblent mettre en mouvement plusieurs échelles et entités spatiales au sein de l’espace transrégional et transnational travaillé par ma thèse (Auvergne, Rhône-Alpes, Suisse romande et Val d’Aoste). Le premier apport des mondes du trad à la définition et à l’étude des interactions entre espaces concerne les liens entre espaces ruraux et urbains : effectivement, si les mondes du trad cherchent à s’ancrer, au moins symboliquement, dans des paysages et dans une réalité rurale passée, la répartition spatiale des pratiques révèle leur forte présence dans les pôles urbains (notamment de la région Rhône-Alpes). Bien plus, les villes apparaissent comme des espaces de vitalité et de renouvellement de la pratique et voient naitre de nouveaux usages qui seront ensuite amenés à circuler. Ce sont dans ces interactions tant symboliques que concrètes entre rural et urbain que se déploient les mondes du trad qui contribuent alors à affirmer la puissance des imaginaires liés au rural aujourd’hui dans une logique de dialogue et d’imbrication des espaces. Dans un second temps, les mondes du trad semblent accompagner l’émergence de nouvelles spatialités en crise de représentation d’elles-mêmes. Pour certains territoires d’entre-deux, souvent périurbains, la pratique de musiques ou de danses dites traditionnelles permet l’exploration ou l’invention d’une mémoire collective. Bien plus, la pratique peut se faire le relai de revendications de l’existence, de la richesse de lieux d’entre-deux peut-être peu investis, peu considérés, peu valorisés culturellement. Ensuite, ces pratiques qui évoluent toujours entre recherche de stabilité, d’ancrages et affranchissement, expérimentation, semblent faire émerger des manières plurielles et complémentaires de faire et d’être local. En se proposant comme des pratiques héritées, typiques d’un lieu, comme levier de développement territorial ou comme moyen d’animer et de faire vivre la mémoire des lieux, différents liens individuels et collectifs au local sont permis et encadrés par les pratiques revivalistes. Enfin, elles redonnent vie au sentiment de régionalité, qu’il s’agit tour à tour de construire et de déconstruire, pour affirmer la région comme une entité qui fait culturellement sens pour les acteurs mais comme une entité en mouvement, en recomposition, loin des démarches de patrimonialisation et de fixation du modèle folklorique. L’exemple des mondes du trad sera donc développé ici à travers ses interactions multiples avec les espaces qui accueillent les pratiques ou qui les nourrissent symboliquement. Il s’agira notamment de voir ce que le trad fait aux lieux et notamment aux espaces ruraux, urbains, locaux et régionaux et à nos manières de les vivre, dans un contexte d’interconnexion croissante.