Comme l’écrit Mona Ozouf, « rien ne paraissait plus désuet, au sortir de la deuxième Guerre Mondiale, que la référence à l’idée républicaine ; elle était, semblait-t-il, inséparable du discrédit qui frappait une Troisième République convaincue de tous les crimes à la fois : d’avoir prêché une morale de soumission ; de s’être montrée sourde au malheur social, en proposant aux pauvres de travailler beaucoup et de prendre patience en attendant des jours meilleurs ; d’avoir brutalisé, à l’intérieur, les minorités, et mené à l’extérieur une politique coloniale sans tendresse ; d’avoir sacrifié la société à l’État »1. Et pourtant, le 25 août 1944, lors d’un discours à l’hôtel de ville, de Gaulle parle de la restauration de la république2 ; la république est redevenue une foi, un idéal ; Il faut lui redonner un contenu politique, social, culturel. Nous sommes donc devant une contradiction primordiale. Alors que la troisième république, en se réclamant des Lumières, donnait l’impression d’une installation définitive de la forme républicaine, avec la séparation de l’Église et de l’État, la défaite de 1940 creuse la tombe de l’idée comme de la forme républicaine. A l’heure où l’État français cherche à se reconstruire sur de nouvelles bases pour réinstaurer les principes républicains mis à mal par Vichy, on s’interroge sur les institutions à mettre en place mais on recherche surtout à retrouver les valeurs de la république, la liberté, l’égalité et la fraternité. Et l’on fait appel aux écrivains des Lumières, particulièrement à Rousseau et à Voltaire que l’on continue d’opposer. L’année 1944 qui correspond au deux-cent cinquantième anniversaire de la naissance de Voltaire fait couler beaucoup d’encre dans la presse issue de la Résistance. L’année 1945 voit deux rééditions du Contrat social. Voltaire et Rousseau incarnent deux idéologies contrastées. Rousseau, « plébéien authentique » est le philosophe des pauvres qui, plus que la république, veut établir une société juste. Voltaire est placé du côté des riches et des persécuteurs. Voltaire incarne la Troisième République, classée comme bourgeoise et rejetée par certains hommes issus de la Résistance, particulièrement les chrétiens. Les communistes, de leur côté accusent l’État français de ne pas rendre hommage au seigneur de Ferney à l’inverse de ce qui se passe en URSS. Derrière le couple formé par Voltaire et Rousseau se lisent plusieurs avatars des conceptions républicaines. En effet, il s’agit de restaurer la démocratie mais aussi de reconstruire la nation dans une perspective révolutionnaire et sociale. On veut donner un nouveau contenu au terme de république. En lisant attentivement la presse la période de la Libération, on constate que les écrivains des Lumières, Rousseau et Voltaire plus particulièrement illustrent cette volonté réformatrice.