Envahies par tant d’images misérabilistes, les opinions publiques québécoise et canadienne portent souvent un regard condescendant sur Haïti : l’extrême pauvreté suscite pitié,complaisance ou encore des commentaires sur son « incapacité de s’en sortir ». Il est vrai que les indicateurs sont alarmants, que ni l’État ni l’économie ne parviennent à combler les besoins de tous ses citoyens. Mais réduire la vie sociale, politique ou économique du peuple haïtien à cette image univoque, incomplète et magnifiée de la pauvreté relève du stéréotype : un tel discours est excisé, erroné et limité. Calqué sur mesure pour conforter l’imaginaire occidental, il appuie la présence soutenue de forces étrangères en sol haïtien2. Rodé par les média de masse américains, repris par nos dirigeants politiques, il s’insinue même au sein de nos média de gauche. Il s’agit d’un discours sur « les autres », naturalisé et généré par les régimes politiques qui désirent recueillir l’adhésion de leurs citoyens et alliés à leurs visées impérialistes3. Ni la hausse du niveau d’études en Occident, ni la multiplication des réseaux de libre circulation de l’information n’auront réussi à l’endiguer, même si les faits sur lesquels il se base restent tronqués ou franchement mensongers. Il reçoit au contraire l’adhésion de publics encore plus variés, réussit à infléchir les décisions politiques et à façonner une partie du monde dans lequel nous vivons.