Cet article souhaite interroger les « patrimoines intimes » ou les mémoires des habitants et des usagers du boulevard Saint-Laurent, inscrit au patrimoine fédéral depuis 1996. Ces récits de citadins allient vécu, souvenirs et pratiques de l’espace et mettent en valeur des lieux spécifiques et des temporalités particulières. Par diverses initiatives, les résidents soulignent leur attachement à la rue : ils dessinent des géographies fragmentées du boulevard, géographies qui viennent conforter ou s’opposer à l’image officielle du boulevard patrimonialisé. Si ces mises en récit participent de l’invention patrimoniale, on peut s’interroger sur leur prise en compte. Sont-ils tous audibles de la même manière ou y-a-t-il des effets de tri, voire de concurrence entre eux ? Plus encore, ces récits constituent-ils autant de mémoires individuelles ou participent-ils de la construction d’un haut lieu montréalais dans l’imaginaire urbain ? Quelles sont les mises en scène de ces récits de vie et comment concourent-ils à construire ce que Paul Ricœur appelle « l’identité narrative d’une communauté » ?