Après plusieurs décennies de débats, la question de la " découverte de l'enfance " à l'époque moderne, et celle, corrélative, de la tristesse des parents à la mort de leurs enfants, ont trouvé des réponses mesurées, fondées sur des témoignages précoces de douleur dans l'expression du deuil. Il demeure pourtant une source essentielle de la vie quotidienne, le livre de raison, qui continue d'enraciner la perte de l'enfant dans une représentation graphique et mentale extrêmement dépouillée, sinon indifférente : de simples notations en marge de la liste des enfants baptisés ; de courtes notices, quand le livre de raison se fait journal, indiquant la date, l'âge, parfois la cause, les frais engagés, la recommandation de l'âme à Dieu. Administrative, comptable, mémorielle et spirituelle, cette économie du deuil ne peut-elle pas cependant participer aussi d'une économie affective ? Nous nous proposons d'étudier, à travers les failles de ce dispositif, comment la souffrance, la colère, le refus de la mort inscrivent l'individu dans cette écriture normée de l'acceptation.