À Siwa en Égypte, nous sommes très loin du cas de figure du Jérid (en Tunisie) où une vraie passion de collectionneur se manifeste chez les jardiniers des palmeraies anciennes (Battesti, 2005) : on recense dans cette région tunisienne plus de 200 cultivars de palmier dattier (Phœnix dactylifera, L.) sélectionnés, nommés et reproduits végétativement (Rhouma, 1994, 2005). Avec une agrobiodiversité du dattier dix fois moindre, le décompte à Siwa est pourtant difficile : faible cohérence de la tradition locale ? partiellement. Il y a aussi la faible couverture scientifique de l'oasis (on compte finalement de nombreux travaux mais épars : tous analysés pour cet article), le souvent double usage de la langue berbère locale (faiblement valorisée) et de l'arabe (qui plus est dans ses variantes libyque et nilotique)... mais aussi une possible évolution de la biodiversité du dattier cultivé et une tradition classificatoire, probablement, quelque peu versatile en tout cas à ce jour jamais établie dans une publication scientifique. Cet article s'y attèle, avec la démarche originale de se reposer d'abord sur ses propres données issues d'une ethnographie de terrain, puis de confronter Cet article a pour ambition de mettre au clair la question de l'agrobiodiversité du palmier dattier (Phœnix dactylifera L.) à Siwa en s'appuyant sur une démarche originale : s'appuyer d'abord sur ses propres données issues d'un travail ethnographique mené sur le terrain entre 2002 et 2012 et, d'autre part, les confronter aux résultats d'une travail d'analyse d'un corpus littéraire, l'ensemble de la littérature ayant évoqué Siwa et ses dattiers (depuis la toute fin du XVIIIe siècle) : la profusion apparente dans ce corpus de noms de " variétés " de dattiers à Siwa -- mais n'en citant à chaque fois que peu -- contraste avec ce petit chiffre d'une quinzaine que j'avance. Il nous faudra à la fois comprendre ou plutôt poser l'hypothèse d'un système local de classification des dattiers et ne pas négliger une autre hypothèse d'une évolution locale de la biodiversité du dattier cultivé. Enfin, cette recherche n'est que le premier étage d'une recherche qui en compte deux : j'ai organisé deux campagnes (2010 et 2011) de collectes d'échantillons de dattes et folioles de cultivars nommés de dattiers de Siwa et d'individus férals d'oasis abandonnées dans le désert environnant Siwa : ce second étage doit mener à l'analyse morphométrique des noyaux de dattes d'une part et à l'analyse génétique des folioles d'autres part, avec la collaboration du Centre de bio-archéologie et d'écologie à Montpellier.