Le théâtre d'Elfriede Jelinek s'est affranchi peu à peu de toute convention dramatique, l'auteur n'appréciant guère la prétention du théâtre traditionnel à donner l'illusion de la vie. A l'aide d'un texte surchargé de citations et de symboles, la dramaturge tente de décrypter, par cette distance intertextuelle, les différentes strates de discours que contiennent nos paroles et à dévoiler ainsi les idéologies mortifères qu'elles portent en germe. Elfriede Jelinek prolonge ce processus de « démythification », concept emprunté à Roland Barthes, en introduisant la mort dans un couple considéré comme l'un des piliers de la société : la mère et son enfant. En mettant à jour les pulsions infanticides de ses personnages, l'auteur dénonce une société paternaliste qui réduit la femme à sa définition biologique, à sa maternité. Ces mères consentantes prennent alors souvent des accents fascisants, confondant instinct maternel et eugénisme, capitalisme et nazisme. D'autres mères, celle-ci féministes, échouent à se libérer par le crime, mettant ainsi à jour l'échec d'un féminisme qui propose de faire de la femme un homme mais non de changer les codes d'une société. Enfin, la mère s'incarne aussi dans des personnages de créatrices en position de mater dolorosa, ayant donné la vie à une œuvre qui leur a échappé, Elfriede Jelinek se caricaturant ici en pleureuse ou plutôt radoteuse, une mère dépassée par son œuvre qu'elle tente de mater (voire tuer) par le fouet de la mise en scène.